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Phénoménologie et Encyclopédie : une même philosophie de l’esprit ?

C’est au moment même où Hegel commence la révision de la Phénoménologie de l’Esprit en vue d’une nouvelle publication que sa mort met brutalement fin au projet, laissant ainsi imaginer à ses élèves, à ses commentateurs, enfin à la postérité, ce qu’aurait pu être l’œuvre. Ce qui va nous intéresser ici ce n’est pas ce qu’aurait pu être cette œuvre une fois corrigée en fonction des développements ultérieurs de la pensée de Hegel mais la correspondance possible entre la Phénoménologie et l’Encyclopédie sous sa version définitive. Il s’agira de montrer comment, sous une forme et une présentation diverses, Hegel met en œuvre une même philosophie de l’esprit, attestant ainsi du rapport privilégié existant entre l’œuvre de 1807 et l’œuvre de 1830. Hegel est un philosophe qui s’est toujours moqué de ceux qui voulaient fonder la philosophie au lieu de philosopher, préliminaire aussi absurde que celui qui consiste à critiquer la faculté de connaître avant et au lieu de connaître. Or une introduction à la philosophie risque toujours de rentrer dans ce cas de figure : soit elle annonce le contenu de l’œuvre sous une forme narrative ou descriptive, en tout cas de façon non systématique, soit elle fait partie de l’œuvre et dans ce cas ce n’est pas une introduction. Hegel a rencontré ce problème dans ses grandes œuvres, aussi bien dans la Phénoménologie de l’Esprit, qu’au début de la Grande Logique ou de l’Encyclopédie dans des contextes à chaque fois différents.

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Le phénomène dans la Phénoménologie de l’esprit

Chez Kant la phénoménalité du réel est une conséquence des conditions subjectives de la connaissance humaine : depuis la Dissertation de 1770 il est acquis que la phénoménalité constitue la base de l’expérience et par là même de la connaissance objective . Dans la Phénoménologie de l’esprit la phénoménalité du réel ne découle pas de la nature de l’intuition humaine finie mais de l’expérience même de la conscience qui découvre que le sens de son expérience est autre que ce qu’elle croyait, ce qui correspond à l’émergence d’un nouveau phénomène, un nouvel objet de la conscience. A l’intérieur de l’œuvre elle-même consacrée à l’étude de l’apparaître de l’Esprit, le phénomène comme tel apparaît à l’intérieur de la section consacrée à la conscience : c’est le moment où les phénomènes de la conscience coïncident avec la conscience du phénomène en tant que tel, de la phénoménalité de l’être. L’analyse de cette séquence phénoménologique est intéressante car elle permet de voir comment Hegel thématise le phénomène avant la Doctrine de l’Essence (1812).

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Les rapports de la raison et du réel chez Hegel

Cet article commente le texte suivant :
« Au début, le passage de sa vie idéale à la société civile peut apparaître au jeune homme comme un douloureux passage à la vie de philistin. Jusque-là, seulement occupé d’objets universels et travaillant simplement pour lui-même, le jeune homme qui devient un homme doit, en entrant dans la vie pratique, être actif pour d’autres et s’occuper de singularités. Or, autant cela est impliqué dans la nature de la chose – puisque, s’il faut agir, il faut progresser en direction du singulier -, autant cependant l’occupation commençante avec des singularités peut être très pénible pour l’homme, et l’impossibilité d’une réalisation immédiate de ses idéaux le rendre hypocondriaque. A cette hypocondrie – quelque transparente qu’elle puisse être chez beaucoup –, nul n’échappe aisément. Plus tard l’homme est surpris par elle, plus graves sont ses symptômes. Chez les natures faibles, elle peut s’étendre à travers toute la vie. Dans cette humeur maladive, l’homme ne veut pas renoncer à sa subjectivité, il ne peut pas surmonter son aversion à l’égard de la réalité effective, et il se trouve, précisément, de ce fait, dans l’état d’une incapacité relative, qui peut facilement devenir une incapacité effective. Si, donc, l’homme ne veut pas sombrer, il lui faut reconnaître un monde comme subsistant-par-soi, pour l’essentiel tout achevé –, accepter les conditions qui lui sont imposées par ce monde, et, en luttant, arracher à sa dureté cassante cela même qu’il veut avoir pour lui-même…».
Encyclopédie des sciences philosophiques, Philosophie de l’Esprit, Add au § 396, pp. 438-439

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La négation chez Hegel

Dans un passage célèbre de son David Hume (1787) Jacobi évoque le souvenir que lui a laissé la lecture de l’analyse kantienne de l’existence dans l’écrit précritique de 1763, L’unique fondement possible d’une démonstration de l’existence de Dieu. La découverte de l’irréductibilité de l’existence l’a ravi au point de lui donner de « violents battements de cœur » comme Malebranche devant le Traité de l’homme de Descartes. Pour un penseur comme Jacobi faisant de l’existence l’objet d’une révélation antérieure et supérieure à toute conceptualisation, il fallait bien pour ainsi dire une révélation personnelle susceptible de l’éclairer dans sa démarche philosophique. Même si Jacobi n’épargne pas ses critiques à l’idéalisme de Kant contraire à la croyance en la réalité qu’implique une telle révélation, le ton est donné. La positivité de l’existence devient un thème omniprésent dans la séquence philosophique qui s’ouvre immédiatement après Kant et ce n’est pas le moindre des paradoxes que la montée en puissance de l’idéalisme allemand s’accompagne d’une attention extrême à l’existence dans son surgissement, aux structures eidétiques et ontologiques de la facticité. Quelques décennies plus tard cette promesse de veiller à la positivité de l’existence a été trahie : qu’il s’agisse de Schopenhauer, tordant le transcendantalisme kantien en confondant l’apparition et l’apparence (le monde phénoménal étant le voile de Maya) ou de Friedrich Schlegel, faisant du système hégélien une divinisation de l’esprit de négation, c’est la part méphistophélique, négatrice, qui semble l’avoir emporté sur la part faustienne, affirmatrice, accueillante à l’être. Certes les choses ne sont pas aussi tranchées : la plupart des critiques de Kant avaient déjà souligné la dimension destructrice de la philosophie critique, travail de sape de la métaphysique traditionnelle, voire de la morale par son rationalisme radical et son apparent subjectivisme. Et Jacobi lui-même ne manquera pas, comme on l’a dit, de faire chorus en faisant de l’idéalisme un nihilisme qui s’ignore.

On se propose ici de montrer comment la séquence ouverte par Kant permet de comprendre cette caractéristique de la pensée idéaliste qui pose l’être comme indépendant de la pensée (positivité) tout en donnant un nouveau sens à la négation qui n’est ni logique (contradiction) ni ontologique (le néant).

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La critique du formalisme kantien chez Hegel et Scheler

A plusieurs siècles de distance il est frappant de voir deux penseurs, aussi éloignés soient-ils par leur formation respective et leur trajectoire philosophique, recourir au même champ sémantique pour désigner un obstacle qui obstrue le chemin de la pensée. Dans Foi et Savoir Hegel assimile l’idéalisme transcendantal à une opération qui consiste à vider de son sang la « statue » de l’objectivité de sorte qu’il ne reste plus qu’une « chose intermédiaire entre forme et matière, odieuse à regarder (…) » . Dans l’Observation préliminaire au Formalisme en Ethique Scheler affirme qu’il est urgent de dépasser le « barrage constitué par l’éthique kantienne » , de débarrasser la route philosophique de ce « colosse d’airain » que constitue l’éthique formelle kantienne. Dans un cas c’est la statue qui s’affaisse, dans l’autre c’est le colosse qui empêche de passer mais à chaque fois il y a un obstacle: les ruines d’une statue détruite ou bien la taille imposante du colosse. Si on approfondit les deux images dans un cas on a la statue de l’objectivité qui subit une hémorragie puisque tout son sang, toute son animation lui viennent de la subjectivité transcendantale – la matière est pour ainsi dire informée de l’extérieur et sans cette forme elle se pulvérise. Dans le second cas le colosse domine et écrase par sa présence monolithique, comme la loi et la norme morales qui intimident le sujet et le soumettent à leur tyrannie. On reconnaît bien ici deux façons d’exprimer une même hostilité de principe à l’égard du formalisme kantien. Le propos qui suit a pour but de montrer les raisons d’une telle hostilité d’abord chez Hegel en partant de quelques moments choisis de son œuvre, puis dans le Formalisme en éthique de Scheler. Chez Hegel la critique du formalisme se fait par une subordination de la pensée d’entendement à la raison spéculative qui fait de la négation ou de la différence un moment constitutif de l’identité abstraite, tant dans le domaine théorique que dans le domaine pratique. Dans son éthique Scheler critique le formalisme, le légalisme, le normativisme kantien menaçant de virer au pharisaïsme au nom de la phénoménologie qui dé-couvre une nouvelle dimension entre l’a priori intellectuel et l’a posteriori, « l’intuitivisme émotionnel », « l’apriorisme matérial ».

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L’animal dans la Philosophie de la nature de Hegel

Si on veut savoir ce que Hegel pense de l’animal il faut se rapporter à la partie du système qui le concerne, la Physique organique de la Philosophie de la nature dans l’Encyclopédie des sciences philosophiques. Si on part de la philosophie « appliquée », comme l’esthétique ou la philosophie de la religion, on risque de trouver certaines analyses qui ressemblent plus à des jugements de valeur qu’à de véritables propositions philosophiques sur l’animalité. Hegel en effet adopte souvent dans ses cours une démarche comparative pour distinguer l’animal et l’homme en tant qu’esprit, cette comparaison servant surtout à faire ressortir la supériorité de l’esprit sur une existence encore naturelle. Par exemple dans les Cours d’esthétique on voit bien que dans son jugement sur l’art symbolique le mélange des formes humaines et animales lui apparaît inférieur à l’expression plastique du corps humain dans l’art classique (art grec). De même que dans les Leçons sur la philosophie de la religion l’adoration de formes naturelles et d’êtres vivants dans la religion naturelle apparaît comme une ébauche de la religion véritable où l’esprit se rapporte à l’Esprit. Cela ne suffit pas à porter un verdict complètement négatif sur la façon dont Hegel pense l’animal, malgré les remarques d’Elisabeth de Fontenay qui rattache Hegel à la tradition rationaliste qui déconsidère l’animalité en général.

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L’esprit selon Hegel

vignette-Couv-Esprit-Hegel-Laurent-Giassi.jpg Quand on traite de l’esprit chez Hegel, les voies d’approche sont multiples : historiquement c’est la rupture avec Schelling à Iéna qui amène Hegel à compléter la Naturphilosophie schellingienne, transformée en philosophie de l’identité, par une philosophie de l’esprit. Du point de vue de la genèse du système hégélien, c’est la Phénoménologie de l’Esprit comme système et introduction au système qui donne une présentation des différentes figures de l’Esprit, depuis la certitude sensible jusqu’à la Religion. Enfin lors de la constitution du système c’est dans le cadre d’une Philosophie de l’esprit, comme troisième partie de l’Encyclopédie des sciences philosophiques que Hegel présente l’esprit sous sa forme triadique –l’esprit subjectif, l’esprit objectif, l’esprit absolu. En laissant de côté les leçons relatives à l’art, la religion ou l’histoire, où les développements sur l’essence de l’esprit ne manquent pas, on voit l’abondance des matériaux. A partir de là une double possibilité se présente : une présentation diachronique de la philosophie de l’esprit, de 1801 à 1827-1830, des premières Philosophies de l’esprit de Iéna jusqu’à la version finale de l’Encyclopédie, ou une présentation systématique, se limitant à une œuvre en particulier. Si on choisit la première possibilité, l’entreprise serait trop vaste, obligeant à de nombreux parallèles entre les œuvres de la jeunesse et de la maturité. Cela donnerait peut-être l’impression d’une continuité discursive seulement interrompue par des aléas extérieurs au système. Si on choisit la deuxième possibilité se pose alors la question du choix de l’œuvre: entre les Philosophies de l’esprit de Iéna, la Phénoménologie et la Philosophie de l’Esprit de l’Encyclopédie, laquelle choisir ? A l’époque où on croyait voir dans l’œuvre de 1807 l’opus hégélien par excellence, l’expression de la génialité philosophique, on aurait fait de la Phénoménologie le seul point de départ valable pour une analyse de l’Esprit chez Hegel. On a depuis longtemps rejeté le mythe d’une Phénoménologie préservée de l’ossification logique. Si on veut comprendre l’articulation de l’Esprit, c’est à l’Encyclopédie qu’il faut recourir car elle présente la totalité du système, ce qui n’interdit pas de la compléter par d’autres œuvres de Hegel si nécessaire.

On montrera tout d’abord la signification de l’esprit dans le cadre d’une philosophie spéculative de l’esprit. Ce sera l’occasion de montrer qu’une telle philosophie s’oppose aussi bien à la pneumatologie rationnelle de l’ancienne métaphysique qu’à ce que Fichte, après Platner, appelait l’histoire pragmatique de l’esprit humain (1)

En intégrant l’Anthropologie à la doctrine de l’esprit subjectif Hegel admet une infrastructure naturelle de l’esprit tout en évitant la naturalisation de celui-ci. Quant à la Psychologie elle est la discipline qui permet de voir à l’œuvre l’esprit subjectif dans son double mouvement d’intériorisation et d’extériorisation (2-8).

On indiquera enfin les conséquences de l’intégration de l’esprit objectif et de l’esprit absolu dans une philosophie de l’esprit. Par là Hegel repousse les limites entre la psychologie vouée à l’étude des phénomènes du sens interne et les autres disciplines chargées d’étudier le sens des productions spirituelles par lesquelles l’humanité s’objective dans l’histoire (9). La décomposition du système hégélien montre les difficultés qui surgissent dans l’interprétation de cette objectivation de l’esprit dans l’histoire et dans ses œuvres, de Marx à Dilthey (10).

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Individu et sujet dans la Logique de hegel

Quand on cherche à penser l’individu, on peut être tenté de suivre deux voies qui ne se recoupent pas forcément : la subsomption de l’individu sous la catégorie du singulier ou bien sous la catégorie de sujet, au sens moderne du cogito ou du Ich denke. La première subsomption ouvre la voie à des recherches spécifiques portant sur le statut noétique, logique, épistémologique du singulier : qu’est-ce que le singulier ? Comment le définir ? etc. La seconde subsomption nous renvoie à une diversité d’approches, qu’il s’agisse d’une analyse socio-historique qui s’interroge sur la naissance de l’individualisme, de la formation historique des différents modes de subjectivation, ou encore de la formation de l’identité subjective comme identité narrative. Si on tient compte du fait historique selon lequel la question de l’individu a été avant tout une question portant sur l’individuation, on peut se demander si on n’a pas là un moyen de trouver un lien entre l’individu, le singulier et le sujet – sans s’en tenir à l’habituelle association d’idées qui nous fait tenir ces termes pour équivalents.