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La justice, une problématique embarrassée

De Platon qui, à son immortelle République, donnait en sous-titre “De la justice”, à des penseurs contemporains comme Alasdair MacIntyre ou John Rawls, la question de la justice, éternelle et redondante, a toujours obsédé les hommes. L’histoire de la philosophie occidentale en apporte l’irréfutable preuve. Et pourtant, la notion de justice, malgré les multiples éclairages qu’elle a reçus, demeure toujours aussi problématique.

Dans la mythologie grecque, Thémis, fille d’Ouranos et de Gaïa, était une divinité de l’Olympe. Elle personnifiait l’ordre du monde, l’équilibre des choses et surtout, elle figurait, avec sa soeur Mnémosyne, la puissance de l’esprit et les capacités que la pensée réfléchie opposait au désordre sauvage des Titans. Elle était, à ce titre, la conseillère de Zeus. A l’aurore du monde, c’était donc aux autres divinités que parlait Thémis, leur indiquant quels étaient, jusque dans les querelles de l’Olympe, les chemins de la prudence. Aussi inspirait-elle les oracles et faisait-elle entendre, grâce à eux, ce que, selon la volonté des dieux, disait la voix de son éminente sagesse.

De l’union de Zeus et de Thémis, naquit Dikè, déesse des jugements et soeur d’Aletheia, déesse de la vérité. Dikè s’intéressait davantage aux querelles des hommes qu’aux certitudes des dieux. La mythologie lui attribue deux fonctions, mais d’inégale importance : d’abord, elle s’efforce, lorsqu’éclatent des différends entre les hommes, de leur indiquer des moyens de conciliation et de paix; ensuite — parce que, vus du haut du mont Olympe, les hommes ne paraissent guère enclins à des comportements se-reins et pacifiques et, d’ailleurs, n’en sont pas capables —, elle comprend que les arbitrages et les conciliations à l’amiable étant à peu près vains, les sanctions et la sévérité des peines sont plus expédientes. Cependant, si les mythes grecs prêtent volontiers à Dikè le visage d’une sévérité vengeresse, les institutions érigent pour elle une autre statue dont la philosophie, par-delà les images mythologiques, ne tardera pas à sonder les secrets. Dikè devient dès lors le symbole de la justice dont, parmi les hommes, la parole du juge est l’expression. Comme Thémis sa mère, elle a, certes, l’auréole d’une instance supra-humaine et sacrée, mais sur la terre des hommes, elle occupe la plus haute marche du tribunal qui formule les réquisitions à l’aune desquelles leurs actions sont jugées.

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Aristote Ethique à Nicomaque Livre V

La composition de l’Ethique à Nicomaque présente l’allure, même reconstituée, d’une ascension : elle suit une haute progression par les vertus morales et dianoétiques, ou ce qui les fortifie (livres II-IX), vers l’objet final de l’éthique, défini au livre I, et étudié au livre X, le bien- vivre. Cette progression donne ainsi une structure circulaire à l’œuvre : le dernier livre revient sur le premier, la pensée s’y achève en déterminant la fin de l’éthique. Le terme retrouve le commencement qui se trouve fondé en lui. En même temps l’Ethique à Nicomaque articule la politique et l’éthique dont elle n’est qu’un moment. S’ouvrant sur l’idée de Souverain Bien, et sur la politique comme science architectonique du «bien proprement humain», elle s’achève en introduisant les livres de la Politique. Le bonheur est cette idée nominale qui constitue la fin de toutes les activités et le sens de l’existence humaine, fin ultime qui est formellement la même que la fin politique. On comprend donc immédiatement l’importance de la question de la justice dans l’ensemble des livres sur l’éthique.

Le livre V constitue un traité de la justice . La considération de la justice vient clore l’examen des vertus morales, commencé au livre III et poursuivi au livre IV. Aristote choisit de consacrer tout un livre à la vertu de justice (dikaiosunè). Mais encore tout l’intérêt de ce traité sur la justice, et tout l’apport d’Aristote à la philosophie du droit, consistent-ils à dégager la justice de son approche exclusivement morale. Aristote propose ainsi une série de distinctions importantes entre la justice générale, vertu de justice ou justice légale, et la justice particulière qui se définit de façon privilégiée non par rapport à la loi mais par rapport à la notion d’égalité. C’est cette seconde espèce de justice qu’il privilégie, la subdivisant à son tour en justice distributive et justice corrective.

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La question de la justice dans les problématisations contemporaines du droit

Si l’on veut désigner de manière d’abord globale, mais malgré tout assez précise, ce que, concernant la question de la justice, les problématisations contemporaines du droit ont renouvelé depuis une vingtaine d’années, il faut d’abord situer ce renouvellement par rapport à l’époque immédiatement antérieure. Celle-ci avait été dominée par ce qu’il est convenu d’appeler le positivisme juridique, dont l’expression la plus célèbre fut atteinte dans ce qui reste, en matière de philosophie du droit, un ouvrage majeur de ce siècle – à savoir la Théorie pure du droit publiée en 1934 par le juriste autrichien Kelsen : dans cet ouvrage, toute une tendance dont l’histoire, si on voulait la raconter, remonterait au XIXe siècle, vient à achèvement, en prenant le contre-pied de ce qui avait été, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la problématisation dominante du droit, c’est-à-dire une problématisation en termes de droit naturel.