La question du langage dans « Le visible et l’invisible »
Merleau-Ponty comprend la philosophie, à la suite de Husserl, comme nous invitant à revenir aux choses mêmes, à retrouver un contact ou une coïncidence avec les choses. Le philosophe communique avec le monde et cette communication est de l’ordre du contact, sa vision est une « palpation ». Mais en même temps il interroge, ce qui exige écart et langage. La question est de savoir quel peut être le statut du langage dans une philosophie qui pense le rapport à l’Être comme contact et interrogation.
Si la philosophie est contact ou coïncidence, si elle doit prendre au sérieux le retour aux choses mêmes, alors elle n’a pas à « chercher un substitut verbal du monde que nous voyons » . Mais si elle est interrogative, elle n’a pas non plus à dépasser le langage en recherchant une coïncidence sans langage et sans distance. Le langage n’est pas l’ennemi de la coïncidence que recherche la philosophie. Le philosophe est philosophe pour autant qu’il veut « mettre en mots un certain silence en lui qu’il écoute » . Si ce projet doit ne pas être un « effort absurde », il faut que ce silence se prête au langage ou que la coïncidence avec les choses que le philosophe recherche ne soit pas étrangère au langage, bref qu’il y ait un « langage de la coïncidence »…