La psychanalyse a été, dès son émergence et est encore aujourd’hui l’objet de multiples critiques rendant problématique le statut de science que son fondateur affirmait pouvoir lui attribuer.

Parmi ces critiques, certaines sont nées d’une « explication » véritable avec le travail de Freud

Politzer reproche aux hypothèses métapsychologiques freudiennes leur abstraction et leur réalisme. Elles écrasent le contenu de la découverte freudienne (le champ concret de la subjectivité et des drames qu’elle joue ou qui se jouent en elle) sous un jeu d’entités abstraites et de mécanismes impersonnels. Une psychologie concrète doit renoncer à la catégorie de causalité et lui substituer celle de « drame en première personne », étant admis que ce drame ne connaît pas nécessairement – et ne connaît même à vrai dire jamais – son sens au moment où il se joue.

Merleau-Ponty établit que la notion d’inconscient répond à une exigence de notre temps : « il fallait introduire quelque chose entre l’organisme et nous-mêmes comme suite d’actes délibérés et de connaissances expresses. Ce fut l’inconscient de Freud » -, sans trouver cependant encore sa maturité théorique: « Il suffit de suivre les transformations de cette notion-Protée dans l’œuvre de Freud, la diversité de ses emplois, la diversité où elle entraîne, pour s’assurer que ce n’est pas là une notion mûre et qu’il reste encore, comme Freud le laisse entendre dans les Essais de psychanalyse, à formuler correctement ce qu’il visait sous cette désignation provisoire » (Signes, 291).

Ricœur montre que les catégories psychanalytiques se partagent entre la sphère du texte et de la signification et la sphère de l’énergie et de la force : « l’épistémologie de la psychanalyse incorpore aux procédures exégétiques relevant de l’auto-compréhension des segments explicatifs apparentés aux procédures en cours dans les sciences naturelles » (Autour de la psychanalyse, 48). Cette situation, précise t-il, n’a pas à être artificiellement effacée, car elle répond à l’objet de la psychanalyse. Mais elle rend problématique la cohérence de la construction métapsychologique.

M. Henry souligne l’importance du concept de pulsion. La pulsion, observe t-il, « n’est plus le pouvoir de représentation, n’est plus la conscience » ; elle est de l’ordre de la force, et fait trembler l’ordre du sens : « Quand donc Freud déclare que tout a un sens, cette affirmation sur laquelle la méprise est générale, loin de réduire le psychique à un dicible offert à une lecture herméneutique, ouvre bien plutôt le domaine où il n’y a plus ni intentionnalité ni sens. C’est ce tout autre de la représentation qui doit faire l’objet d’une élucidation systématique » (Généalogie de la psychanalyse,360). Mais cette élucidation n’a pas lieu : ou bien ce « tout autre de la représentation » se formule dans une conceptualité physico-biologique, naturaliste, et en termes de causalité ; ou bien, échappant à la conceptualité naturaliste il retombe dans le champ de la représentation : la pulsion, concept limite entre le psychique et le somatique, n’est « psychique » que par la médiation d’une représentation, d’une Vorstellung. L’ordre de l’inconscient apparaît ainsi comme intermédiaire entre deux polarités : la polarité d’un système énergétique physique et la polarité d’une sphère de représentation dont le modèle nous est donné par la conscience et son intentionnalité ; ce qui permet à S. Freud de soustraire l’inconscient à toute réduction physico-biologique, c’est l’affirmation de son appartenance de principe aux phénomènes conscients. « Ainsi, conclut M. Henry, l’essence de la psychè est-elle manquée deux fois : en tant que réduite à la réalité physique d’une part, à la conscience représentative de l’autre ».

Wittgenstein pensait que la psychanalyse ne satisfait pas et ne pourra jamais satisfaire aux critères de la scientificité. Dans un entretien de 1942, il dit : « Freud prétend constamment être scientifique. Mais ce qu’il fournit est de la spéculation – quelque chose qui est antérieur même à la formulation d’une hypothèse ».

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