Les mathématiques et la logique
Dans ces dernières années de nombreux travaux ont été publiés sur les mathématiques pures et la philosophie des mathématiques, en vue de dégager et d’isoler les éléments logiques du raisonnement mathématique. Ces travaux ont été analysés et exposés très clairement ici-même par M. Couturat dans une série d’articles intitulés les principes des Mathématiques.
Je citerai en première ligne les écrits de Hilbert et de ses disciples, ceux de Whitehead, de B. Russell, ceux de Peano et de son école. On ne s’étonnera pas que je ne nomme pas ici M. Veronese ; bien qu’il se soit rencontré sur bien des points avec M. Hilbert, il se place à un point de vue tout différent et il est constamment préoccupé au contraire de conserver à l’intuition sa place légitime.
J’ai eu dernièrement l’occasion de faire l’éloge du livre de M. Hilbert et d’en faire ressortir toute la portée, et en général tous ces travaux me semblent présenter un très grand intérêt. On devra désormais en tenir grand compte dans toutes les recherches de ce genre, et il y a lieu de se demander s’ils ne remettent pas en question quelques-unes des conclusions que certains philosophes croyaient acquises.
Pour M. Couturat, la question n’est pas douteuse ; ces travaux nouveaux ont définitivement tranché le débat, depuis si longtemps pendant entre Leibnitz et Kant. Ils ont montré qu’il n’y a pas de jugement synthétique a priori, que les mathématiques sont entièrement réductibles à la logique et que l’intuition n’y joue aucun rôle.
C’est ce que M. Couturat a exposé dans les articles que je viens de citer ; c’est ce qu’il a dit plus nettement encore à son discours du jubilé de Kant, si bien que j’ai entendu mon voisin dire à demi-voix : « On voit bien que c’est le centenaire de la mort de Kant ».
Pouvons-nous souscrire à cette condamnation définitive ? Je ne le crois pas et je vais essayer de montrer pourquoi.