L’usage régulateur de l’idée de finalité dans la biologie contemporaine
En choisissant de traiter de l’usage régulateur de l’idée de finalité dans la biologie contemporaine, je m’inscris dans une perspective kantienne, perspective que tracent principalement deux textes : l’Appendice à la Dialectique transcendantale dans la Critique de la raison pure, et la seconde partie de la Critique de la faculté de juger.
Cette inscription kantienne de la problématique impose de se demander dans quelle mesure la biologie peut encore habiter, deux siècles après la troisième Critique, cet espace ouvert par Kant à la réflexion sur le vivant. Cela implique deux questions :
1. Le développement des sciences de la vie a-t-il confirmé ou infirmé le célèbre pronostic formulé au § 75 de la Critique de la faculté de juger ?
2. La biologie contemporaine a-t-elle quelque chose à faire, d’un point de vue heuristique, de l’idée de finalité ?
Par « biologie contemporaine », j’entends la biologie après 1859, date de publication de L’origine des espèces de Darwin. On pourrait me reprocher de m’installer dans un cercle en ne faisant exister mon objet : la biologie, qu’à partir du moment où elle adopte un paradigme intégralement mécaniste, et récuse – avec l’idée de sélection naturelle – tout recours à l’idée de finalité. Je réponds simplement que ce n’est pas moi qui choisis. C’est la biologie elle-même qui annonce 1859 comme la date charnière de la grande révolution, L’origine des espèces définissant le cadre à l’intérieur duquel les biologistes eux-mêmes déclarent pouvoir unifier l’ensemble des connaissances biologiques.
Je me contenterai de décrire la situation qui me semble être au-jourd’hui celle de la biologie vis-à-vis de la finalité, et m’abstiendrai de tout jugement sur le bien-fondé des méthodes utilisées par les biologistes, ainsi que sur les conclusions philosophiques que tirent certains d’entre eux, assez nombreux, de leur travail scientifique.