Variations sur l’existence

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Le mot et le concept d’existence sont apparus dans la langue et la conscience philosophiques pour exprimer le sens verbal du mot être, pour réactiver la différence entre le sens verbal et le sens nominal du mot être . Au sens verbal, être = einai = esse, le fait même qu’une chose soit. Au sens nominal, être = un être, un étant, on, ens, l’une quelconque des choses sont on dit qu’elles sont.

En français, le participe « étant » est apparu au XVIIe siècle sans que ce néologisme parvienne à s’imposer, même dans la langue philosophique. Pour désigner l’une quelconque des choses dont on dit qu’elles sont, on dit « un être » plutôt que « un étant ». Ainsi dans l’expression du sens nominal du mot être, la forme verbale (un être) a supplanté la forme participiale (qui participe du verbe et du nom). Faut-il en conclure que le sens verbal a prévalu sur le sens nominal ? Non, ce serait plutôt l’inverse. Si la tournure verbale a pu prévaloir sur la tournure participiale, c’est parce que le sens verbal de la tournure verbale s’était assez affaibli pour se laisser oublier de telle sorte que celle-ci puisse endosser le sens nominal. Certes le sens verbal de la tournure verbale nominalisée n’a pas disparu : en parlant d’un être, je parle de quelque chose qui est réellement et de fait en tant qu’il est réellement et de fait ; le sens verbal (l’étant en tant qu’il est) subsiste dans le sens nominal ; en d’autres termes, quand on dit « un être », on pense implicitement que, pour « être un être », il faut « être » ; mais le sens verbal n’est plus qu’une harmonique du sens nominal : quand on dit « un être », on pense surtout que pour « être », il faut « être un être ».
Voyons bien la différence. Si on pense : pour être un être, il faut d’abord être, la signification verbale reste active ; être un être, pour tout être, c’est d’abord assumer le fait d’être, le métier d’être (et par exemple persévérer en son être, résister à l’anéantissement). Mais si on pense : pour être, il faut d’abord être un être (un être déterminé, réel ou possible), la signification verbale risque de se perdre, car nous posons alors inévitablement que X est = X est un être, l’être pur et simple (aplôs) = l’être tel ; la différence est comme neutralisée ; l’être comme tel passe sous la coupe de l’être tel.

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