L’autarcie joyeuse du sage selon Plotin
Dans le traité Sur le bonheur Plotin, dit du sage qui ne cherche plus rien quand il a trouvé le bien véritable, qu’il mène αὐτάρκης ὁ βίος, une vie autarcique, ou une « vie qui se suffit à elle-même ». Il s’agit là, à première vue, d’une affirmation bien banale, car que le sage soit « autarcique » les penseurs les plus divers de la philosophie ancienne, voire opposés, s’accordent sur ce point. Platon au livre III de la République fait dire à Socrate : « Personne, plus qu’un tel homme [il s’agit du philosophe], ne se suffit à soi-même eu égard au bonheur de la vie (αὐτάρκης πρὸς τὸ εὗ ζῆν), et il est, à un degré exceptionnel, celui de tous qui a le moins besoin de ce qui n’est pas lui-même ».Aristote, de même, dans l’Ethique à Nicomaque qualifie le sage d’αὐταρκέστατος, d’homme qui « se suffit le plus à lui-même ». Epicure, exposant à Ménécée, l’importance de la limitation des désirs à leurs objets naturels les plus simples et nécessaires, affirme : « τὴν αὐτάρκειαν δὲ ἀγαθὸν μέγα νομίζειν , nous soutenons que l’autarcie est un grand bien ». Quant au sage stoïcien, d’après Stobée, il possède un bien qui est αὔταρκες en tant que « ἐξαρκεῖν τῷ ἔχοντι, il suffit à qui le possède » (SVF, III, 208). Sénèque, dans sa neuvième lettre explique à Lucilius comment comprendre la proposition « se contentus est sapiens ». L’éloge banal de l’autarcie du sage correspond donc à l’eudémonisme commun à la pensée antique dans la mesure où comme l’explique Aristote au début de l’Ethique à Nicomaque (I, 5), c’est un trait constitutif du bonheur d’être suffisant. En conséquence, on comprend facilement que l’autarcie s’entende en autant de sens que le bonheur. Autant d’éthiques différentes, autant de significations de l’autarcie.