Les deux souches de la métaphysique chez Aristote et Platon

La Métaphysique et, plus généralement, l’ensemble des textes aristotéliciens nous mettent en présence d’un système de quatre causes. Dans le premier chapitre du livre Δ, Aristote identifie les « causes » aux « principes » et voit dans leur caractère commun la « source » — τò πρωτον — à partir de laquelle il y a soit de l’être (ἔστιν), soit du devenir (γίγνεται), soit de la connaissance (γιγνώσκεται) (Δ, 1, 1013 a 17). En commentant ce texte, dans l’article de 1929, « Ce qui fait l’être essentiel d’un fondement ou “raison” » (Vom Wesen des Grundes), Heidegger demande ce que ces trois fondements — le fondement de l’essence, le fondement de l’existence, le fondement de la vérité — possèdent en commun dans l’unité du terme (ἀρχἠ), et rapproche cette triple division des principes d’une autre division, quadruple cette fois, la division de la cause (αἴτιον). Elle se trouve exposée au deuxième chapitre de ce même livre Δ de la Métaphysique (1013 a – 1014 a) qui reproduit la plus grande partie du chapitre trois du livre II de la Physique (194 b – 195 b). Aristote distingue quatre modalités très manifestes (τἐτταρας τὀπους, Physique, II, 195 a 15) : l’ὑποκεμἰενον), qu’il est d’usage de traduire par « cause matérielle », le τὁ τἱ ἧυ εἶναι, ou « cause formelle », l’ἀρχὴ τῆς μεταβολὴς, le « principe premier du changement » ou « cause motrice », et le οὗ ἕνεκα, le « ce en vue de quoi », entendons la « cause finale » (τὸ τέλος). Sans insister sur ces divisions, Heidegger met en évidence la préoccupation d’Aristote de comprendre, « avec leur cohésion systématique, le fondement qui motive leur nombre de quatre », bien qu’il reconnaisse, d’autre part, que « la cohésion interne entre ces classifications et leur principe reste dans la pénombre »