Nécessité et contingence dans la Doctrine de l’essence de Hegel

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Dans une lettre à Borgius Engels affirme que « dans toutes [l]es sociétés domine la nécessité dont la contingence est le complément et la forme de sa manifestation » [herrscht die Notwendigkeit, deren Ergänzung und Ercheinungsform die Zufälligkeit ist] . Concrètement, « la nécessité économique » expliquerait pourquoi il y a un grand homme qui apparaît à tel moment de l’histoire, quand les circonstances l’exigent, peu importe qu’il s’agisse de tel ou de tel homme en particulier, comme le montre l’exemple de Napoléon. La nécessité et la « pure contingence » ne seraient donc pas incompatibles, mais intrinsèquement liées, au point que Engels pense leur rapport comme celui de la manifestation. On passera sur la formulation de Engels qui, en faisant de la contingence le phénomène de la nécessité, suggère que la nécessité est une essence, dont le contingent serait la manifestation. On laissera aussi de côté le fait que la nécessité historique est d’emblée prise comme nécessité économique, de sorte qu’on peut se demander si la pensée de la nécessité en général doit se former à partir de l’économie – ou bien si l’économie conceptuelle de la nécessité ne suppose pas plutôt une abstraction spéculative, indispensable pour éviter de prendre une concrétisation de la nécessité pour la nécessité elle-même. Si les conditions économiques sont déterminantes en dernière instance, il est vain de prétendre isoler la pensée spéculative du contexte sociopolitique qui a permis son développement, en raison de la division du travail intellectuel et matériel. Si tel n’est pas le cas, alors il est possible de penser la nécessité, comme le fait Hegel, sans confondre le concept de celle-ci dans la Logique avec ses occurrences dans le système. Pour cela, on propose d’analyser le chapitre second de la troisième section de la Doctrine de l’essence dans la Science de la logique dans sa version de 1812. Les développements de Hegel y sont plus amples que dans l’Encyclopédie et permettent de saisir davantage l’opération spéculative dans le maniement des concepts, même si on ne s’interdit pas d’utiliser des passages de la logique de l’Encyclopédie.

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