Liberté et bonté de la volonté
Introduction: le problème du lien de la raison et de la volonté
Dans Platonisme et pensée contemporaine, V.Goldschmidt montrait comment la lecture croisée de deux des plus célèbres critiques contemporaines du platonisme, celle de Nietzsche et celle de Heidegger, révélait, malgré leur « antiplatonisme » commun, deux interprétations radicalement opposées de la même philosophie de Platon. Or, si de même on examine deux des plus célèbres critiques postkantiennes de la philosophie morale de Kant, celles de Hegel et de Nietzsche, on s’apercevra d’un même effet antinomique provoqué par l’interprétation, là encore radicalement opposée, que ces deux grands penseurs proposent d’une seule et même philosophie. Si, pour Nietzsche en effet, le « devoir » kantien apparaît comme le type même du « Tu dois » écrasant du poids le plus lourd la volonté humaine au point de pouvoir y reconnaître la figure du « chameau » des trois métamorphoses du Zarathoustra, pour Hegel au contraire – et malgré l’importance décisive reconnue à Kant pour avoir, dans le champ des études morales, fondé la moralité sur la raison plutôt que sur l’effusionnisme du sentiment – la philosophie de l’intention à quoi se réduirait finalement l’analyse kantienne de la moralité aurait conduit à un subjectivisme effréné dont la figure finale serait celle du mal radical consistant, en faisant de la subjectivité le fondement des valeurs, à poser du même coup le sujet par delà le bien et le mal (objectivement déterminés).