Le moi et Dieu selon Maître Eckhart

Le moi et Dieu selon Maître Eckhart

Vue de l’extérieur, l’œuvre de Maître Eckhart s’inscrit sans doute dans le cadre d’une évolution des pratiques religieuses et d’une naissance de l’individu à la fin du Moyen Âge. Mais pour analyser le contenu de son œuvre, il n’est pas certain que ces concepts soient pertinents. En effet, au Moyen Âge, le concept d’«individu », plutôt qu’au problème du sens de l’existence humaine, renvoie à une question métaphysique classique, celle de l’individuation des êtres : à l’intérieur de l’espèce humaine, qu’est-ce qui distingue Pierre de Paul, X de Y ? Et le monde latin ne connaît pas de mot précis pour désigner ce que nous appelons maintenant une « religion » : chez saint Thomas, par exemple, la religion est une vertu, qui constitue un sous- ensemble de la vertu de justice ; dans la mesure où nos actes de piété consistent à rendre à Dieu ce qui est à Dieu, la religion est une province de l’art de rendre à chacun ce qui lui revient. Je préfère donc traiter, plus exactement, de la relation entre moi et Dieu.

Avec cette question, on ne perd pas tout à fait de vue l’horizon de l’individu et de l’individuation, du moins quand on s’interroge sur le moi. « Je suis devenu pour moi-même une question », dit Augustin dans les Confessions. Et nous savons que cette question devient aiguë, précisément au moment où se pose la question de sa conversion, c’est-à-dire de son retour à Dieu.

[Note de l’éditeur : commentaire du sermon 52: « Beati pauperes spiritu quia ipsorum est regnum coelorum »]

https://www.erudit.org/en/journals/theologi/1900-v1-n1-theologi2915/001714ar.pdf