Les impasses de la doctrine kantienne du souverain bien
I. Le concept cardinal de toute la postulation de la raison pratique : le souverain bien
Je rappellerai d’abord comment ce concept est introduit et formulé dans les deux premières critiques.
A. L’introduction du concept de souverain bien dans les deux premières Critiques
1. L’introduction du concept de souverain bien dans la Critique de la raison pure (cf. De l’idéal de la raison pure)
Kant pose implicitement que, si je fais mon devoir, je dois alors pouvoir espérer quelque chose : si je fais ce que je dois faire, que m’est-il permis d’espérer [wenn ich tue, was ich soll, was darf ich hoffen] ? (TP, p. 543)
Cet espoir ne peut être que celui du bonheur, je ne puis jamais espérer autre chose que le bonheur : « tout espoir tend au bonheur [Alles Hoffen geht auf die Glückseligkeit] le bonheur est à l’ordre pratique et à la loi morale ce que le savoir et la loi naturelle sont à la connaissance théorique des choses » (TP 543).
Qu’est-ce que le bonheur ?: « Le bonheur est la satisfaction [Befriedigung] de tous nos penchants [Neigungen] (aussi bien extensive, quant à leur variété, qu’intensive, quant au degré, et que protensive, quant à la durée) » (TP 544).
Il y a dès lors lieu de distinguer entre deux sortes de lois « pratiques » suivant leur rapport au bonheur, celle qui a l’obtention du bonheur pour fin directe et immédiate, celle qui vise à nous en rendre dignes. « J’appelle pragmatique la loi pratique qui a le bonheur pour mobile [Bewegungsgrund] et morale (ou loi des mœurs), s’il en existe, la loi qui a pour seul mobile de se rendre digne d’être heureux. » (TP, 544, corr.) ; « la première conseille [rät] ce que nous avons à faire, si nous voulons arriver au bonheur, la seconde commande [gebietet] la manière dont nous devons nous comporter pour nous rendre seulement dignes du bonheur » (544).