« Distance et proximité »: les deux lectures lévinassiennes de l’intentionnalité

On se propose de présenter la lecture par Levinas de la notion d’intentionnalité. Cette discussion est prioritairement une discussion avec le concept husserlien d’intentionnalité. Nous nous tiendrons à cette question sans engager la présentation de l’ensemble de la phénoménologie husserlienne chez Levinas. Notre objet sera ici de retracer les lectures lévinassiennes de ce concept et non d’en évaluer la pertinence ou l’injustice à l’égard de Husserl. Nous sommes bien conscients néanmoins que certaines propositions engagées dans ces lectures frappent par leur caractère hétérodoxe ou intempestif, voire même hérétique, à l’égard de la lettre husserlienne et ne peuvent de ce fait manquer de heurter qui connaît bien l’œuvre de Husserl

Discutant le concept d’intentionnalité chez Husserl, il s’agit souvent pour Levinas de distinguer d’abord ce concept d’autres ententes, courantes, ordinaires, naturelles, du concept, mais aussi de dégager d’autres types d’intentionnalité qui ne seraient pas inscriptibles dans le modèle husserlien, et enfin de dégager des formes relationnelles non intentionnelles. On sera alors particulièrement sensible à ce travail de Levinas sur les formes de l’intentionnalité, travail qui constituera un des fils de notre exposition. Pourtant, l’objet principal de notre étude concernera la dualité de la lecture lévinassienne.

Il faut plus exactement parler de deux lectures divergentes et parallèles du concept d’intentionnalité. En effet, d’un côté, Levinas présente le concept husserlien comme une révolution et une libération à l’égard de l’orientation de la philosophie occidentale. Avec le concept d’intentionnalité, la phénoménologie husserlienne se situerait hors du prisme de la représentation que Levinas critique. En cela, il rend possible l’éthique. Mais, d’un autre côté, Levinas s’emploie à montrer que l’intentionnalité husserlienne est encore prise dans l’horizon du savoir et de la représentation, presque de part en part objectivante et incapable de faire droit à la transcendance radicale du rapport éthique. Il présente d’une part l’intentionnalité comme transcendance, au sens d’une ouverture à l’altérité quelle qu’elle soit, mais d’autre part elle est pour lui retour à l’immanence du même et du mien, car l’autre dans le rapport intentionnel reste à la mesure du sujet, de la conscience.

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