Définir, décrire et classer en biologie
On admet souvent qu’Aristote a créé la taxonomie. En réalité, s’il y a chez lui certains éléments laissant envisager une classification des êtres vivants, celle-ci n’existe pas explicitement dans ses écrits qui nous sont parvenus (et il est peu probable qu’elle ait existé dans ceux qui sont perdus). Tout au plus évoque-t-il un certain nombre de critères sur lesquels une classification pourrait se fonder : la forme des animaux, celle de leurs organes, leur mode de vie (terrestre, aquatique, aérien), leur mode de déplacement (marche, reptation, vol, nage), la nature de leur alimentation (herbivore, carnivore, …), leur caractère, etc . Les critères relatifs à la forme de l’animal et de ses organes sont manifestement les plus importants (surtout les organes de la nutrition et de la génération, qui sont les deux fonctions essentielles, celles qui ressortissent à l’âme nutritive, primordiale en matière de vie).
Dans la pratique, le critère distinctif le plus utilisé par Aristote est la possession ou la non-possession de sang. Les animaux qui en ont sont les plus parfaits et les plus chauds. Ceux qui n’en ont pas sont moins parfaits et ont moins de chaleur vitale. À la place du sang, ils possèdent un liquide qui n’est pas rouge et qu’Aristote qualifie de sérum (selon lui, c’est un sang imparfait). Cette distinction en animaux sanguins et non-sanguins recouvre à peu près la distinction que nous faisons entre vertébrés (avec sang rouge) et invertébrés (sans sang rouge). Et c’est effectivement une distinction fondamentale.
Pour le reste, il n’y a rien de bien arrêté, et Aristote, qui semble avoir perçu les limites de ses différents critères, se sert de l’un ou l’autre selon ses centres d’intérêt au moment donné, mais sans rien généraliser.
La seule méthode systématique en usage en son temps (notamment à l’Académie de Platon) était celle dite « de la dichotomie ». Elle distinguait les êtres selon qu’ils possédaient ou non tel caractère choisi plus ou moins arbitrairement ; puis, dans chacun des deux groupes ainsi obtenus, selon qu’ils possédaient ou non tel autre caractère, et ainsi de suite. Aristote refusait de recourir à ce procédé binaire qui lui semblait insatisfaisant et source d’erreurs. Il préférait une approche moins artificielle, une comparaison plus globale des êtres, qui donnait des résultats conformes aux répartitions traditionnelles des animaux en grands groupes (quadrupèdes, oiseaux, poissons, etc.). Dans ces conditions, il ne pouvait pas établir une classification générale et systématique des êtres vivants. Et, de fait, chez lui, il n’y a guère de vraiment net qu’une distinction entre genres et espèces.