Le miracle dans la théologie fondamentale classique

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Que faire des miracles ? Cette question a passablement embarrassé la théologie catholique au cours des dernières décennies. Il est vrai que l’héritage des siècles passés n’était pas simple à recevoir. Longtemps, l’apologétique classique a fait jouer aux miracles un rôle qu’ils ne pouvaient remplir, celui d’argument péremptoire en faveur de la foi. Les miracles font reculer les limites du possible ; cela n’autorise aucunement la théologie à leur demander l’impossible. Ce faisant, les miracles ont dérivé loin de leur sens traditionnel, pourtant attesté chez les meilleurs auteurs antiques et médiévaux. Dans le contexte nouveau de la modernité, il ne suffit pas de renouer avec le meilleur de cette tradition pour être tiré d’affaire. Le rapport à la vérité s’est complexifié ; la mentalité scientifique interdit de reconduire une conception moniste de l’action divine ; l’histoire et la critique littéraire imposent une rigueur d’interprétation inédite. Le traitement de choc de la démythologisation est loin d’avoir réglé définitivement le sort des miracles. Aujourd’hui, le travail des historiens, tel John P. Meier, rappelle le poids qu’il convient d’accorder aux miracles dans l’histoire de Jésus. Le dossier est donc à reprendre à nouveaux frais.

Le présent essai tente de confronter les lacunes de l’apologétique classique aux ressources de la tradition théologique, en fonction de la situation nouvelle créée par les exigences critiques de l’épistémologie moderne ainsi que par les résultats convergents des historiens. La matière ainsi délimitée couvre une assez large période de l’histoire de la théologie : elle remonte jusqu’au IVe siècle, l’âge d’or des Pères, et rejoint notre siècle, avec une référence particulière à l’ouvrage de Meier, qui signale peut-être – aux historiens de le dire – l’accès de la quête du Jésus historique à l’âge de la maturité ; une halte au XIIIe siècle sera requise en compagnie de Thomas d’Aquin, puis une excursion en modernité avec la naissance, le développement et la mort de l’apologétique classique entre le XVIIe et le milieu du XXe siècle, sans oublier l’étape du concile Vatican I, mais aussi la pensée philosophique, critique de l’apologétique, et surtout le renouveau de la pensée théologique au XXe siècle. L’étude comprend deux parties. Il s’agira dans un premier temps de présenter les lacunes de l’apologétique touchant le traitement du miracle du point de vue de la raison et de la foi (1) Que dit la philosophie, en l’occurrence blondélienne, de l’usage du miracle dans l’argument apologétique classique ? Qu’en dit l’histoire, et en particulier John P. Meier ? Qu’en dit la théologie contemporaine, par exemple Joseph Moingt ? Dans un second temps, on tentera de suivre le développement de la théologie du miracle depuis Augustin pour en repérer les jalons (2). Le premier moment relève de la théologie fondamentale, le second a pour dominante la théologie historique. Enfin, il conviendra de tirer les conclusions qui s’imposent concernant l’écriture d’une théologie de la vie de Jésus.

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2010-4-page-497.htm