L’animal, figure du Tout-Autre
Il semble qu’aujourd’hui une véritable révolution philosophique se produise et que la frontière entre l’homme et l’animal tende à s’estomper. Nous savons non seulement en effet que l’homme a des origines communes avec les grands singes, mais aussi que les animaux sont capables d’apprendre et de transmettre et qu’ils ont développé ce que l’on n’hésite plus à nommer des « cultures » animales. Ce qui commence ainsi à faire question, c’est l’idée même d’un propre de l’homme, et avec lui tout l’humanisme métaphysique qui a formé l’axe directeur de l’ensemble de la philosophie moderne depuis Descartes.
Il y eut pourtant déjà, avec la parution en 1859 de De l’origine des espèces un « démenti infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité », selon les termes employés par Freud qui, dans son Introduction à la psychanalyse de 1916, soulignait qu’après la révolution copernicienne, qui a montré que la terre n’était pas le centre de l’univers, la révolution darwinienne « a réduit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l’indestructibilité de sa nature animale ». Mais il faut cependant reconnaître que si la question de l’animal apparaît aujourd’hui comme une question centrale du point de vue philosophique, éthique et juridique, c’est essentiellement parce que, depuis une quarantaine d’années, s’est éveillée la conscience de l’appartenance de l’homme à une « seule Terre » aux ressources limitées et à un destin qu’il partage avec l’ensemble des espèces vivantes.