Le corps humain dans l’Anthropologie de Hegel

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Il n’y a rien de moins idéaliste, au sens vulgaire du terme, qu’une philosophie, comme celle de Hegel, qui se réclame principalement de l’idéalisme absolu. Cette dénomination est trompeuse, car on voit dans ce qui est « absolu » le point culminant d’un processus qui, dans le cas présent, signifierait le triomphe ultime de l’idée sur la matière, de l’âme ou de l’esprit sur le corps. En fait, on trouve rarement cette expression chez Hegel, et quand ce dernier l’utilise, c’est souvent dans un sens qui peut surprendre. En effet, l’idéalisme ne signifie pas la toute-puissance de la pensée ou l’inexistence de la matière, mais le rejet de toute opposition fixe entre la réalité et l’idéalité, la nécessité de penser la négativité du fini par rapport à l’infini. C’est ce qu’on se propose de montrer ici à propos du corps humain dans la Philosophie de l’esprit de l’Encyclopédie des sciences philosophiques. L’examen du début de la première section de la philosophie de l’esprit, l’Anthropologie, montre que non seulement le corps a toute sa place dans la pensée de Hegel, mais qu’il est un moment essentiel dans la présence de l’esprit au monde. Hegel ne fait pas du corps humain un mode de l’étendue, ou un temple de l’esprit au sens d’un contenant. Il le pense comme le produit d’un double mouvement d’idéalisation et de réalisation : idéalisation du monde extérieur dans l’âme et réalisation de l’âme dans le corps.

On procèdera en plusieurs temps.

D’abord, on donnera quelques éléments sur la définition de l’Anthropologie chez Hegel et la critique qui en découle de la psychologie rationnelle de la métaphysique, accusée de réifier l’âme et le corps.

Puis, on verra comment l’âme en tant qu’esprit-nature s’idéalise sous la forme du sentir dans et par le corps. C’est l’occasion de montrer comment l’âme se réalise dans le corps, dans la mesure où le corps effectue l’intériorisation du monde extérieur, ce qui fait du corps autre chose qu’une simple interface avec le monde extérieur.

Enfin, on insistera sur le rôle de l’habitude pour penser une appropriation de soi, comme condition du propre et de la propriété du corps propre. Ce faisant, Hegel pense un rapport original entre corporéité et liberté.

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