Gustave Guillaume, la langue et le temps
Il suffit de parcourir les titres des articles formant le contenu de Langage et science du langage (1964) pour reconnaître l’importance de la réflexion de G. Guillaume sur le « temps » et son statut dans le « langage ». Je me propose, dans ce qui suit, d’abord de m’appuyer sur Guillaume lui-même, pour rendre compte de sa « représentation » du temps, construite, pense-t-il, à partir d’une observation de son expression, essentiellement dans les langues indo-européennes, particulièrement le français ; dans le mouvement de cet exposé, je serai d’emblée conduit à relever ce que cette représentation a de problématique, c’est-à-dire à montrer qu’elle est une construction qui nous renseigne sur la conception guillaumienne du temps et non sur le rôle des langues dans la construction du temps. J’attirerai plus particulièrement l’attention sur l’inadéquation de la définition guillaumienne de l’aspect et du mode dit « subjonctif ». Après cette entreprise de « déconstruction » – ce concept derridien a l’avantage de laisser entendre que le travail critique n’est pas un travail de démolition, mais est préalable à une reconstruction par simple redistribution d’un matériau sur lequel le critique n’a d’autre prise que celle de la mise en évidence de ses caractéristiques – il me faudra proposer une analyse des langues telle qu’elle rende compte de leurs constituants immédiats – bien plus primitifs que les constituants immédiats syntaxiques de la grammaire générative ; c’est à partir de ces constituants immédiats qu’il nous sera possible d’examiner de quelle façon les langues intègrent la dimension du temps et l’analysent.