Une régression ptoléméenne en philosophie ? Kant et la question du temps
Si les philosophes doivent, comme le veut Nietzsche, « devenir la mauvaise conscience de leur temps », et s’ils doivent pour cela oser mettre en examen les propositions que leur époque tient habituellement pour vraies, on peut penser qu’il nous incombe de réexaminer certaines positions kan-tiennes que Nietzsche, à l’instar de beaucoup d’autres, a plutôt admises que discutées.
On peut mesurer le succès historique de Kant à ce que, en dépit des efforts des idéalistes allemands ses successeurs, les penseurs de notre époque la définissent volontiers comme « l’âge post-métaphysique ». Peut-être ne reste-t-il plus grand chose du détail de la Critique de la Raison pure dans la science et l’épistémologie contemporaines. Il est en revanche une thèse qu’elle passe pour avoir définitivement accréditée, et qui fonctionne parfois comme une condition de respectabilité intellectuelle : qu’il ne saurait y avoir de connaissance au-delà de ces disciplines que nous avons pris l’habitude d’appeler nos sciences, à l’instar de Kant lui-même, qui refusait ce titre à la métaphysique pour la raison qu’elle ne peut connaître ni comme les mathématiques, ni comme la physique expérimentale…