Les relations du corps et de l’esprit selon Husserl

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La « relation du corps et de l’esprit » est un thème de signification particulièrement large, mettant en scène, sans autre détermination, le dualisme général du « sensible » et de l’ « intelligible ». Le corps peut y être pris aussi bien comme objet matériel ou corps humain, celui-ci encore comme simple corps mécanique ou corps biologique, ce dernier comme corps neural ou corps charnel, etc., l’esprit comme essence générale de l’intelligible, ou de l’intelligible en homme, ou comme faculté particulière de représentation ou de pensée, etc. Chaque époque, en liaison avec un certain état des sciences, a sa manière de déterminer ce vague en répondant à deux questions fondamentales : qu’est-ce qui fonctionne comme instance gouvernante en l’homme (à laquelle on donne le nom d’esprit), et à quel type de corporéité (et comment) cette instance est-elle rattachée, et comment ? Mille réponse sont ici possibles, occupant tout l’espace entre l’identification aveugle avec les apports scientifiques du moment et les « argumentations philosophiques après-coup ».

La prétention de la phénoménologie husserlienne au sein de cette problématique est de fournir un compas d’orientation solide permettant de guider à la fois la spécification des instances et la modélisation de leur type de relation. Ni généralité philosophique, ni reproduction scientifique, la description phénoménologique tente, en partant du phénomène donné et sans non plus l’abandonner tout à fait, de dégager des types compréhensifs pour tel ou tel aspect du phénomène. Ces types, sortes d’hybrides descriptifs-explicatifs fournissent aux explications scientifiques positives leur cadre de déploiement, le « sens d’être » du phénomène étudié dont elles ne sauraient s’écarter sans cesser de se rapporter à lui, quoi qu’elles en pensent.

L’enjeu d’une approche phénoménologique des relations du corps et de l’esprit n’est donc pas seulement celui de son contenu positif et de sa valeur comparé aux résultats d’autres approches, mais avant tout, celui d’une mise à l’épreuve : on peut y tester si la force de la description est capable de passer devant l’explication analytique des phénomènes — et par là-même de lui servir de guide. Ces deux régimes ne partagent pas le même terrain, aussi ne s’agit-il pas de savoir si la description peut constituer ou se faire passer pour une explication des phénomènes, mais seulement de savoir laquelle, méthodologiquement, est en droit de précéder l’autre.

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