Si les philosophes doivent, comme le veut Nietzsche, « devenir la mauvaise conscience de leur temps », et s’ils doivent pour cela oser mettre en examen les propositions que leur époque tient habituellement pour vraies, on peut penser qu’il nous incombe de réexaminer certaines positions kan-tiennes que Nietzsche, à l’instar de beaucoup d’autres, a plutôt admises que discutées. On peut mesurer le succès historique de Kant à ce que, en dépit des efforts des idéalistes allemands ses successeurs, les penseurs de notre époque la définissent volontiers comme « l’âge post-métaphysique ». Peut-être ne reste-t-il plus grand chose du détail de la Critique de la Raison pure dans la science et l’épistémologie contemporaines. Il est en revanche une thèse qu’elle passe pour avoir définitivement accréditée, et qui fonctionne parfois comme une condition de respectabilité intellectuelle : qu’il ne saurait y avoir de connaissance au-delà de ces disciplines que nous avons pris l’habitude d’appeler nos sciences, à l’instar de Kant lui-même, qui refusait ce titre à la métaphysique pour la raison qu’elle ne peut connaître ni comme les mathématiques, ni comme la physique expérimentale…
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Kant_gemaelde_3-1-e1605711006426.jpg740576Nodé-Langlois Michelhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngNodé-Langlois Michel2012-09-03 23:30:332022-03-24 10:52:51Une régression ptoléméenne en philosophie ? Kant et la question du temps
La question de l’essence du temps a connu un profond remaniement avec la publication de Etre et temps, en 1927. Deux points centraux y apparaissent. L’un est l’idée que la pensée métaphysique dans son ensemble a oblitéré le temps ou du moins a omis de l’interroger sous l’angle qui est seul capable d’atteindre son essence, c’est-à-dire sous l’angle de son rapport avec l’être. Il en est ainsi parce que la pensée métaphysique, qui est, certes, depuis son origine, orientée vers l’être, s’en enquiert cependant sous un angle qui ne permet pas de développer la question de l’être (et celle également de son rapport au temps) en toute son ampleur et sa radicalité ; elle s’enquiert de l’être à partir de l’étant qu’elle trouve dans le monde, et qui est l’objet de notre préoccupation quotidienne, l’étant intra-mondain. Cet être de l’étant intra-mondain, les Grecs l’ont appelé ousia, littéralement “étantité”. Ousia est un mot qui est très proche, par le sens, du mot parousia, qui signifie présence, par opposition à apousia, qui signifie absence. Le rapprochement ousia-parousia a suggéré à Heidegger l’idée que le mot qui désigne en grec l’être de l’étant implique une référence, une référence implicite, oblitérée, méconnue, au temps ; l’étant, « métaphysiquement compris », est le présent; il est saisi quant à son être comme présence déployée ; il est compris par référence à un mode déterminé du temps: le présent ponctuel; et cette compréhension va pour ainsi dire de soi; elle est soustraite à toute interrogation explicite. On peut donc dire que le temps a dans la pensée métaphysique traditionnelle une fonction ontologique fondamentale, puisque l’être est compris dans un horizon foncièrement temporel; mais la métaphysique comme telle ne s’interroge jamais expressément sur cette fonction dévolue au temps dans la compréhension de l’être : « le temps lui-même est pris pour un étant parmi d’autres étants, et l’on tente de le saisir dans sa structure d’être à partir de l’horizon d’une compréhension de l’être orientée sur lui de façon inexprimée et naïve”. D’où l’interrogation de Heidegger : est-il possible de s’affranchir de la compréhension « métaphysique » de l’être, du temps et de leur lien – est-il possible de penser l’être indépendamment de la compréhension métaphysique (implicite) de l’être comme présence déployée ? le lien de l’être et du temps peut-il devenir vraiment, explicitement, problématique, de telle sorte que la question du « sens de l’être » soit à nouveau ouverte ? Telle est l’interrogation de Heidegger, qui lie solidairement la question de l’être et la question du temps: l’être et le temps sont si étroitement intriqués que l’un ne peut pas être compris sans l’autre.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/04/aristote-philopsis.jpg230200Pascal Dupondhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngPascal Dupond2012-08-05 19:38:072021-10-24 09:19:31La question du temps chez Aristote
La conception leibnizienne du destin cherche à sauvegarder ensemble (ce que Leibniz appelle concilier) et la liberté et la vérité, pour que la reconnaissance de l’une ne vienne pas porter atteinte à l’autre. Leibniz a cherché un fil d’Ariane pour sortir du labyrinthe de la liberté et de la nécessité, qui annonce la 3e antinomie kantienne et que Leibniz traite peut-être de manière plus nuancée.
Notons d’abord que Leibniz ne refuse nullement la notion de destin ; il convient seulement de lui donner un « bon sens ». Leibniz en revanche exclut la fatalité antique, puissance inconnue et impersonnelle, sans visage et sans rapport avec les individus vivants qu’elle manipulerait à l’aveugle ou selon des desseins impénétrables et inintelligibles. Leibniz refuse de donner un statut ontologique à cette puissance terrible que les grecs appelaient Eïmarménè, ou Moïra, et parfois Anagkè, mère des Parques ou Moires.
La fatalité est refusée pour des raisons indissolublement théoriques et pratiques. Elle interdit toute intelligibilité du cours des événements, et elle favorise la passivité et le pâtir dans son registre douloureux. S’il est vain de s’efforcer à comprendre ou à changer le cours des événements, autant ne rien faire, céder au caprice et aux impulsions, quitte à gémir et à se plaindre de son sort à la divinité. Ce raisonnement « ordinaire » a été nommé par les anciens argos logos, argument paresseux. Sans être le premier à le dénoncer, Leibniz lui substitue un concept intelligible de destin propre à congédier toute fatalité inintelligible et à la vider du pathos émotionnel qui ne manquait pas de l’accompagner. C’est ainsi qu’Epictète condamne la plainte contre les divinités que porte le chœur des tragédies, dans son registre doloriste; il lui oppose l’attitude active du sage qui coopère avec le destin en donnant son assentiment à ce qui arrive (Entretiens II, X, 5-6).
Leibniz inscrit donc à juste titre sa conception du destin dans la filiation des Stoïciens ou de Spinoza. Il cherche à intégrer les vertus de doctrines capables de nous procurer la tranquillité de l’âme, tout en s’efforçant de les mener plus loin qu’elles ne peuvent et veulent aller : vers un fatum christianum qui peut nous conduire non seulement à consentir activement à l’événement, mais à une approbation joyeuse de l’existence et à une sorte d’ amor fati.
Dans un premier temps, j’examinerai les concepts antiques dont Leibniz fait profit tout en les réinterprétant.
Dans un deuxième temps, je préciserai la redéfinition de la nécessité, de la contingence et de la liberté proposée par Leibniz pour ne pas faire « souffrir » les notions et ne pas blesser la vérité, soit la sauvegarder, la laisser sauve.
Selon le système héliocentrique, la Terre est en mouvement autour du Soleil ; selon notre perception ordinaire, la Terre ne se meut pas et c’est le Soleil qui est en mouvement ; on pourrait chercher à réconcilier ces deux affirmations opposées en les relativisant, en les rapportant à un certain point de vue sur le monde : ces deux versions, la version héliocentrique et la version géocentrique, devraient alors être considérées comme des perspectives sur le monde, et il faudrait alors distinguer, au moins en principe, ces versions ou ces perspectives, en tant que descriptions ou représentations, du monde lui-même, en tant qu’objet de ces représentations. On pourrait par ailleurs étendre la notion de perspective et de point de vue sur le monde à d’autres champs, en particulier celui de l’art ; il n’y aurait pas seulement une perspective géocentrique et une perspective héliocentrique, mais aussi une perspective-Monet, une perspective-Magritte, une perspective-Balzac, une perspective-Flaubert, une perspective-Bach, une perspective-Thelonious Monk, une perspective-Gainsbourg, une perspective-Dylan etc. La reconnaissance qu’il existe de plein droit une pluralité et peut-être une infinité de points de vues possibles sur le monde, chacun autorisant une version correcte de celui-ci, pourrait sembler ainsi donner à une approche pluraliste des manières d’aborder le monde, toute sa légitimité, sans pour autant mettre en cause l’unité dernière du monde, en tant qu’objet saisi selon ces points de vues, ces perspectives irréductiblement distinctes.
C’est autant la nécessité que la pertinence d’une telle synthèse conciliatrice entre unité du monde et pluralité des versions du monde que Goodman remet en question; là est l’un des fils conducteurs de Manières de faire des mondes (1978), et on pourrait être tenté d’y voir une thématique nouvelle, voire une rupture dans la pensée de Goodman, par rapport à ses productions antérieures, en particulier par rapport au pluralisme méthodologique justifié et mis en œuvre dans son maître ouvrage et son chef d’œuvre, The Structure of Appearance (1951)…
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Nelson-Goodman-philopsis.jpg232222Huglo Pierre-Andréhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngHuglo Pierre-André2012-05-07 13:55:572022-07-05 14:02:49Le divers et l’univers. Remarques sur ‘Manières de faire des mondes’ de Nelson Goodman
La pensée du Beau chez Plotin est intimement liée à sa philosophie, dans la mesure d’abord où toute entreprise d’élévation spirituelle est en même temps pour lui une entreprise esthétique, une expérience du beau éprouvée en soi-même ; et pour autant ensuite que notre expérience du monde, avant toute velléité d’ascension vers une réalité supérieure, est pour Plotin d’entrée de jeu une expérience de la beauté.
Attachons-nous pour commencer au second point mentionné, à savoir celui de notre expérience du monde ici-bas, comprise à la base comme une expérience de la beauté. Cette déclaration peut surprendre, quand on se rappelle que Porphyre, l’un des disciples de Plotin, dès la première phrase de sa Vie de Plotin, rapporte que celui-ci « donnait l’impression d’avoir honte d’être dans un corps » et lorsque l’on songe que Plotin est par excellence le philosophe de l’afairesis, à savoir du retranchement ou du détachement par rapport aux choses du monde sensible. Avoir honte d’être dans un corps et vouloir se retrancher du monde ne supposent-ils pas un certain désaveu du monde et de sa beauté ?
Il faut tout d’abord répondre à cela que rien n’est plus éloigné de Plotin que l’idée de condamner le monde ou son manque de beauté. Tout au contraire, remarque Plotin, l’on ne voit pas, en y réfléchissant bien, comment cette diversité qu’est le monde aurait pu être agencée avec plus d’art qu’elle ne l’est en réalité…
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Plotin-philopsis.jpg681569Narbonne Jean-Marchttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngNarbonne Jean-Marc2012-02-14 18:40:172021-10-24 09:47:18Action, contemplation et intériorité dans la pensée du Beau chez Plotin
Le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes construit une opposition manifeste entre socialisation et réalisation de soi. Le portrait de l’homme à l’état de nature permet, par contraste, d’identifier les pathologies de la vie sociale moderne, qui écarte de lui-même et semble condamner au malheur l’individu. Car celui-ci ne vit plus comme le faisait l’homme de la nature, dans le seul rapport à soi. Ce dernier vivait à la fois en lui-même et pour lui-même : son comportement n’était motivé que par le seul amour de soi, il était indépendant, il n’avait avec les autres individus aucune relation morale. L’homme sociable vit au contraire dans l’opinion des autres et, dès lors, pour les autres (il cherche leurs faveurs) . Les comportements sont donc alors déterminés par les jugements d’autrui et non par les penchants naturels. Il faut répondre aux attentes des autres individus, ou ce qu’on imagine être tel. Les individus sont conduits à une représentation permanente d’eux-mêmes : il faut feindre, paraître avoir les talents ou les qualités qui permettront d’être bien jugé. L’espace civil décrit ainsi dans le second Discours n’est qu’une concurrence effrénée pour le prestige.
La relation à soi et la relation aux autres se modifient donc réciproquement dans l’état civil : l’intersubjectivité empêche de vivre en soi-même, l’orgueil et plus généralement toutes les passions d’amour-propre, empêchent les sentiments de sociabilité. Ces passions sont autant de conditions d’impossibilité du bonheur : le mécontentement est perpétuel, celui qui veut être tout pour être estimé davantage que les autres est condamné à être irrité par « tout ce qui étant quelque chose nous empêche d’être tout » .
Mais si la socialisation marque l’impossibilité d’une vie réussie, entendue ici de manière très générale comme vie heureuse, n’est-ce pas de facto restreindre les fins que l’éducation mise en place dans l’Emile se propose d’accomplir ? Lui faut-il soit renoncer à faire d’Emile un être heureux, soit renoncer à en faire un être sociable ? Faut-il choisir entre élever un individu pour lui-même et élever un individu pour les autres ?
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Jean-Jacques-Rousseau-philopsis-e1605692121881.jpg350300Guénard Florenthttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngGuénard Florent2012-02-13 13:59:482022-07-05 14:13:32Socialisation et réalisation de soi dans l’Emile
Si on veut savoir ce que Hegel pense de l’animal il faut se rapporter à la partie du système qui le concerne, la Physique organique de la Philosophie de la nature dans l’Encyclopédie des sciences philosophiques. Si on part de la philosophie « appliquée », comme l’esthétique ou la philosophie de la religion, on risque de trouver certaines analyses qui ressemblent plus à des jugements de valeur qu’à de véritables propositions philosophiques sur l’animalité. Hegel en effet adopte souvent dans ses cours une démarche comparative pour distinguer l’animal et l’homme en tant qu’esprit, cette comparaison servant surtout à faire ressortir la supériorité de l’esprit sur une existence encore naturelle. Par exemple dans les Cours d’esthétique on voit bien que dans son jugement sur l’art symbolique le mélange des formes humaines et animales lui apparaît inférieur à l’expression plastique du corps humain dans l’art classique (art grec). De même que dans les Leçons sur la philosophie de la religion l’adoration de formes naturelles et d’êtres vivants dans la religion naturelle apparaît comme une ébauche de la religion véritable où l’esprit se rapporte à l’Esprit. Cela ne suffit pas à porter un verdict complètement négatif sur la façon dont Hegel pense l’animal, malgré les remarques d’Elisabeth de Fontenay qui rattache Hegel à la tradition rationaliste qui déconsidère l’animalité en général.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/animal-philopsis-e1604485516655.jpg445363Giassi Laurenthttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngGiassi Laurent2012-01-23 22:37:552025-05-04 11:06:47L’animal dans la Philosophie de la nature de Hegel
La composition de l’Ethique à Nicomaque présente l’allure, même reconstituée, d’une ascension : elle suit une haute progression par les vertus morales et dianoétiques, ou ce qui les fortifie (livres II-IX), vers l’objet final de l’éthique, défini au livre I, et étudié au livre X, le bien- vivre. Cette progression donne ainsi une structure circulaire à l’œuvre : le dernier livre revient sur le premier, la pensée s’y achève en déterminant la fin de l’éthique. Le terme retrouve le commencement qui se trouve fondé en lui. En même temps l’Ethique à Nicomaque articule la politique et l’éthique dont elle n’est qu’un moment. S’ouvrant sur l’idée de Souverain Bien, et sur la politique comme science architectonique du «bien proprement humain», elle s’achève en introduisant les livres de la Politique. Le bonheur est cette idée nominale qui constitue la fin de toutes les activités et le sens de l’existence humaine, fin ultime qui est formellement la même que la fin politique. On comprend donc immédiatement l’importance de la question de la justice dans l’ensemble des livres sur l’éthique.
Le livre V constitue un traité de la justice . La considération de la justice vient clore l’examen des vertus morales, commencé au livre III et poursuivi au livre IV. Aristote choisit de consacrer tout un livre à la vertu de justice (dikaiosunè). Mais encore tout l’intérêt de ce traité sur la justice, et tout l’apport d’Aristote à la philosophie du droit, consistent-ils à dégager la justice de son approche exclusivement morale. Aristote propose ainsi une série de distinctions importantes entre la justice générale, vertu de justice ou justice légale, et la justice particulière qui se définit de façon privilégiée non par rapport à la loi mais par rapport à la notion d’égalité. C’est cette seconde espèce de justice qu’il privilégie, la subdivisant à son tour en justice distributive et justice corrective.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/04/aristote-philopsis.jpg230200Cournarie Laurenthttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngCournarie Laurent2011-07-10 19:52:002022-07-05 14:11:25Aristote Ethique à Nicomaque Livre V
« Et qu’en est-il à son tour de notre recherche sur le politique ? Est-ce avec pour but le politique lui-même que nous nous sommes mis sur les bras cette recherche plutôt que pour devenir plus dialecticiens (dialektikôterois) sur tous les sujets ? – Ici encore, évidemment, sur tous les sujets. – Du reste, j’imagine, personne d’intelligent (noûn echôn) ne voudrait se mettre en chasse d’une définition (logos) du tissage pour le tissage lui-même ».
Cette remarque – ce n’est sûrement pas un hasard – se situe au centre du Politique. Reste à la comprendre, et la chose peut paraître mal aisée. Une telle assertion est en effet surprenante : voilà près de trente pages que Platon consacre au politique, à la recherche de sa définition, c’est-à-dire, en grec, de son logos, de l’énoncé qui correspond à son être (ousia), et tout à coup il balaie ou semble balayer d’un revers de main tout ce qui a été fait et dit, en prétendant que c’est secondaire, qu’il s’agit uniquement d’un exercice destiné à nous faire devenir plus dialecticiens. Ceci posé, il n’en poursuit pas moins la recherche jusqu’au logos final de l’Etranger à propos du politique, à quoi le jeune Socrate répond (et ce sont les dernières paroles du dialogue) : « Tu as merveilleusement achevé à son tour le portrait de l’homme royal et politique, Etranger ».
Le but de cet article est de tenter de donner sens à cette remarque, c’est-à-dire de proposer une interprétation du dialogue : ce qui est en jeu en effet n’est rien d’autre que ce par quoi doit commencer toute explication, tout commentaire d’un texte, à savoir quel est son thème ? quelle est sa thèse ? Ces deux questions ne sont pas seulement suscitées par cette assertion centrale : elles se posent aussi à la lecture de l’ensemble du dialogue, dont on a maintes fois souligné la composition compliquée, alambiquée, peu claire dans son intention d’ensemble. Les réponses que l’on tentera ici de défendre et d’étayer s’appuieront donc sur une étude de cette structure, que je présupposerai, ici comme toujours concernant Platon, savante – entendez, non pas complexe, mais voulue, intentionnelle et significative. Un second présupposé (également constant) de ma lecture est que les choses doivent être simples, et qu’une interprétation a d’autant plus de chances d’être juste, c’est-à-dire éclairante, qu’elle s’appuie sur la littéralité du texte, ne suppose pas de dispositifs complexes, s’énonce simplement, s’impose avec évidence, et se comprend de même, c’est-à-dire montre que le texte dit quelque chose de quelque chose, que l’on n’a pas affaire à des mots, mais bien à des mots qui renvoient à des choses concrètes, réelles, simples. En d’autres termes, il ne s’agit pas ici de découvrir la lune, mais seulement de lire – c’est-à-dire retrouver cette « faculté qui exigerait presque que l’on ait la nature d’une vache et non point, en tous cas, celle d’un homme moderne », c’est-à-dire « la faculté de ruminer ». Il s’agit donc de s’en tenir fermement au plancher des vaches, celui que les « philosophes » ont une fâcheuse tendance à mépriser.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/auteurs_philopsis_platon.jpg263200Mouze Létitiahttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngMouze Létitia2011-03-01 13:27:102025-05-04 05:48:06Science politique et science dialectique dans le Politique de Platon
Quand on traite de l’esprit chez Hegel, les voies d’approche sont multiples : historiquement c’est la rupture avec Schelling à Iéna qui amène Hegel à compléter la Naturphilosophie schellingienne, transformée en philosophie de l’identité, par une philosophie de l’esprit. Du point de vue de la genèse du système hégélien, c’est la Phénoménologie de l’Esprit comme système et introduction au système qui donne une présentation des différentes figures de l’Esprit, depuis la certitude sensible jusqu’à la Religion. Enfin lors de la constitution du système c’est dans le cadre d’une Philosophie de l’esprit, comme troisième partie de l’Encyclopédie des sciences philosophiques que Hegel présente l’esprit sous sa forme triadique –l’esprit subjectif, l’esprit objectif, l’esprit absolu. En laissant de côté les leçons relatives à l’art, la religion ou l’histoire, où les développements sur l’essence de l’esprit ne manquent pas, on voit l’abondance des matériaux. A partir de là une double possibilité se présente : une présentation diachronique de la philosophie de l’esprit, de 1801 à 1827-1830, des premières Philosophies de l’esprit de Iéna jusqu’à la version finale de l’Encyclopédie, ou une présentation systématique, se limitant à une œuvre en particulier. Si on choisit la première possibilité, l’entreprise serait trop vaste, obligeant à de nombreux parallèles entre les œuvres de la jeunesse et de la maturité. Cela donnerait peut-être l’impression d’une continuité discursive seulement interrompue par des aléas extérieurs au système. Si on choisit la deuxième possibilité se pose alors la question du choix de l’œuvre: entre les Philosophies de l’esprit de Iéna, la Phénoménologie et la Philosophie de l’Esprit de l’Encyclopédie, laquelle choisir ? A l’époque où on croyait voir dans l’œuvre de 1807 l’opus hégélien par excellence, l’expression de la génialité philosophique, on aurait fait de la Phénoménologie le seul point de départ valable pour une analyse de l’Esprit chez Hegel. On a depuis longtemps rejeté le mythe d’une Phénoménologie préservée de l’ossification logique. Si on veut comprendre l’articulation de l’Esprit, c’est à l’Encyclopédie qu’il faut recourir car elle présente la totalité du système, ce qui n’interdit pas de la compléter par d’autres œuvres de Hegel si nécessaire.
On montrera tout d’abord la signification de l’esprit dans le cadre d’une philosophie spéculative de l’esprit. Ce sera l’occasion de montrer qu’une telle philosophie s’oppose aussi bien à la pneumatologie rationnelle de l’ancienne métaphysique qu’à ce que Fichte, après Platner, appelait l’histoire pragmatique de l’esprit humain (1)
En intégrant l’Anthropologie à la doctrine de l’esprit subjectif Hegel admet une infrastructure naturelle de l’esprit tout en évitant la naturalisation de celui-ci. Quant à la Psychologie elle est la discipline qui permet de voir à l’œuvre l’esprit subjectif dans son double mouvement d’intériorisation et d’extériorisation (2-8).
On indiquera enfin les conséquences de l’intégration de l’esprit objectif et de l’esprit absolu dans une philosophie de l’esprit. Par là Hegel repousse les limites entre la psychologie vouée à l’étude des phénomènes du sens interne et les autres disciplines chargées d’étudier le sens des productions spirituelles par lesquelles l’humanité s’objective dans l’histoire (9). La décomposition du système hégélien montre les difficultés qui surgissent dans l’interprétation de cette objectivation de l’esprit dans l’histoire et dans ses œuvres, de Marx à Dilthey (10).
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