Bachelard. La philosophie de l’instant
Bachelard a publié d’abord L’intuition de l’instant, en 1932 ; puis La dialectique de la durée, en1950. Il reconnaît souvent la qualité de la philosophie de Bergson, pour se donner le plaisir malicieux de s’y opposer frontalement. Dans son premier ouvrage, il part de la notion de « présent » : car c’est du présent que nous avons conscience, mais, selon lui, ce présent est « instant », il n’est pas « durée ». Si l’essence de l’élan vital, l’essence du vivant, c’était la durée, ce serait que le passé est gros et du présent et de l’avenir, comme aurait dit Leibniz, philosophe de la continuité comme l’était Bergson. Bachelard imagine Bergson parlant d’une coulée uniforme, une durée telle que s’y déroulerait une histoire sans histoire, une incidence sans incidents. (L’intuition de l’instant ou II, p 32)
Bachelard estime que Bergson ne peut pas rendre compte du commencement d’un acte, des mutations brusques, des instants créateurs. Il défend « la réalité de l’instant ». Sans doute nos actions ont-elles supposé un motif, une intention, un passage à l’acte, et elles ont des effets ; c’est quelque chose qui peut se décrire comme une suite fluide. Mais faisons la différence entre action et acte. « L’acte » est différent, en ce qu’il est « une décision instantanée », unique, originale. Il est lui-même instantané. Pour que l’évolution soit réellement créatrice, ne faut-il pas accepter la place de « l’accident » ?