Penser le « figural » chez Michel Henry: comment peindre la force du pâtir?
Les projets de Michel Henry et de Gilles Deleuze – si éloignés soient-ils – possèdent néanmoins la particularité décisive de venir se «rejoindre», au sein de leur conception respective de la picturalité, et ceci sur un point déterminant: la mise en question de la notion de «représentation». C’est pourquoi, dans le cadre très circonscrit de cet article, j’aimerais proposer une lecture interprétative – très synthétique, voire schématique par endroits – des ouvrages portant respectivement sur Bacon et Kandinsky. Avant de poursuivre, deux remarques préalables s’imposent. Premièrement, cette mise en question de la notion de «représentation», se fait au nom d’une raison diamétralement opposée: au nom de la «multiplicité» et de la «différence» pour Deleuze et, en ce qui concerne Michel henry, au nom de l’homogénéité et de l’unité transcendantale du pâtir en sa révélation immanente de soi. Chez ce dernier, l’impossibilité (non relative à une capacité ou un déficit) d’un «apparaître» de l’essence – ou de la vie – dans le milieu de la transcendance est structurelle. La vie n’apparaît pas dans le monde, sinon sur le mode d’un «disparaître» immédiat, celui-ci n’étant pas de l’ordre du voilement ou du simple retrait. Ceci dit, hormis sous certaines conditions, que l’art abstrait de Kandinsky va précisément remplir, de même qu’être en mesure de décrire. Deuxièmement, ces ouvrages portent sur les enjeux philosophiques déterminants qui sous-tendent l’art moderne, selon une approche résolument réaliste, certes antagoniste, qui s’avère très vite non pas historique ou esthétique, mais relative, de part en part, à des figures, jugées tutélaires (Bacon et Kandinsky) ou du moins intronisées comme telles, permettant à nos auteurs de venir confirmer, en toute assurance, leur propre thèse.