Le Moi-multiple. Fondements physiologiques, conséquences anthropologiques
Si la philosophie, depuis l’injonction socratique qui la définit, se caractérise par un travail concerté de connaissance de soi, le dix-huitième siècle marque de profonds bouleversements dans les différents atours qu’un tel projet peut revêtir. Sur le plan de l’égologie fondamentale, l’effondrement du cartésianisme a amené, dans le sillage de la remise à plat de Locke, une série d’interrogations sur l’identité personnelle, la conscience ou le moi qui s’expriment aussi bien en Angleterre qu’en France. D’autre part, les problèmes suscités par la question métaphysique des rapports de l’âme et du corps, l’incrédulité auxquelles se heurtent les constructions systématiques post- cartésiennes qui visent à les résoudre (Leibniz, Malebranche, Spinoza…) obligent les penseurs à élaborer de nouveaux dispositifs pour rendre compte des relations entre matière, sensibilité et esprit, cette reconfiguration étant à la fois accentuée et rendue nécessaire par un renouveau du matérialisme, plus ou moins explicite et radical selon les auteurs, mais que nul ne peut négliger. Les nouveaux paradigmes épistémologiques imposent par ailleurs à toute anthropologie philosophique qui voudrait se présenter comme science de se montrer plus expérimentale, de multiplier les observations, ici et ailleurs, et de se constituer à partir d’elles. La médecine, enfin, qui a toujours été une branche importante de la connaissance de l’homme, vit depuis la fin du XVIIe siècle une mutation extrêmement importante, un progrès des connaissances qu’elle n’avait jamais connu jusque là, mais aussi et par conséquent, une effervescence et une concurrence sans précédent des modèles d’explication du vivant.