L’existence, l’imaginaire et la valeur chez Alain

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Alain moraliste, c’est Alain méditant sur l’homme ondoyant et divers, toujours embarqué dans le monde, se trompant par ses passions et l’interprétation des signes, mais aussi capable de redresser son jugement et de devenir maître de ses pensées en devenant maître de son corps. C’est toujours l’imagination qui est maîtresse d’erreur et de fausseté, mais qu’est-ce que l’imagination, et comment nous en délivrer ? Ce sujet de l’imagination et de l’imaginaire a sans cesse été repris par Alain dans de nombreuses Études sur les passions, dans le Système des Beaux-Arts et dans les Dieux. On s’aperçoit alors que le centre de sa pensée philosophique est dans cette théorie de l’imaginaire qui nie d’une part l’existence d’images psychologiques, pour nous ramener aux seuls objets qu’il nous est donné de percevoir et de sentir, ce monde dans lequel nous vivons, et ce corps toujours présent, mais qui, d’autre part, nous fait découvrir, derrière l’absence et l’invisible, le vrai mystère de nos pensées. Enfin cette théorie de l’imagination trouve son sens dans l’œuvre qui porte l’humanité et qui finit par donner une consistance et une forme à cet invisible de l’imagination. L’œuvre « jusqu’à l’être exalte l’étrange toute-puissance du néant ». Quant à ce corps, toujours présent, toujours agité et réagissant au monde, devançant mes pensées et suggérant mes songes, il est bien « le tombeau des Dieux» et celui qui s’éveille pense de ses songes comme le poète

Je n’ai fait que bercer de lamentations

Tes flancs chargés de jours et de créations !

En systématisant la pensée d’Alain on démêlerait donc trois parties dans cette théorie de l’imagination, la thèse négative qui refuse les images, la thèse positive qui pose le véritable objet de l’imagination, non pas le néant de J.-P. Sartre, mais l’invisible, ce qui ne paraît jamais, mais est toujours sur le point de paraître aux bords glissants du monde, les dieux enfin. La troisième thèse, la plus importante sans doute, est celle qui donne son sens aux deux autres, c’est celle qui nous fait assister à cette réalisation de l’invisible dans l’œuvre d’art. Ce n’est pas, comme J.-P. Sartre, en spectateur qu’Alain cherche l’objet esthétique, cette absence peinte, mais en créateur. Son point de vue est toujours de celui qui fait et non pas de celui qui contemple, ou mieux, c’est le point de vue de celui qui fait pour contempler.

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