Etude des Trois Dialogues entre Hylas et Philonous
Berkeley avait conçu comme texte philosophique majeur les Principes de la connaissance humaine, parus en 1710. Du titre, le lecteur pouvait espérer un certain contenu, à savoir que lui soit montré non seulement d’où part la connaissance humaine, mais aussi ce qui la rend possible et comment elle se construit et devient légitime. Or, quand il repose le livre, le lecteur peut être assez perplexe sur cette question. En effet, il peut avoir le sentiment que si l’auteur consacre tous ses efforts à lutter contre ce qui à ses yeux serait un obstacle majeur à la connaissance humaine, (tout spécialement la supposition d’une matière inconnue, de qualités premières support de qualités secondes, l’explication mécaniste des phénomènes, etc.), par ailleurs il ne s’inquiète guère de démontrer positivement que, sur la base qu’il propose, à savoir les sensations, une connaissance s’élabore, ni selon quelles voies. Berkeley nous assure que le point de départ est bel et bon : percevoir un objet c’est être sûr qu’il existe ; qu’il n’y a rien d’inconnu ou d’autre à chercher hors des sensa-tions que nous en avons et que notre connaissance peut s’y appuyer.
Mais un embarras subsiste : car, après tout, peut-on dire qu’une sensation « sait », est dans le vrai déjà ; ou faut-il reconnaître, selon la formule célèbre proposée dans la Siris, qu’« à strictement parler le sens ne connaît rien » et que le sa-voir suppose des médiations ?