Le dualisme en questions : sur la troisième notion primitive et la glande pinéale chez Descartes

Sous le nom de dualisme du corps et de l’esprit, on décrit
fréquemment la thèse, apparaissant dans la philosophie de Descartes, qui pose l’existence de deux substances distinctes. Cette thèse entraîne immédiatement un problème philosophique inédit avant la période moderne qui est celui de la possibilité, de la nature et des moyens de l’interaction au moins apparente entre les deux substances ainsi séparées, notamment dans la sensation et dans le mouvement volontaire. Le dualisme, s’il faut décidément user de ce nom, s’oppose, au moins pour partie, tant aux conceptions de la substance complète considérée comme composée de matière et de forme (une substance peut être considérée par Descartes comme complète même si elle n’a pas de matière ou si elle est dépourvue de forme ou d’âme), qu’aux conceptions qui font de l’un des deux termes une modalité ou une propriété de l’autre et qui considèrent l’activité intellectuelle comme une propriété possible du corps (matérialismes, assertorique comme chez Gassendi ou problématique comme chez Locke) ou, inversement, qui voient dans les corps le simple support inexistant en soi de l’activité perceptive. Une double affirmation est présente dans ce dualisme, celle de la distinction, à la fois conceptuelle et réelle, du corps et de l’esprit, et celle de leur union. L’âme perd son rôle traditionnel d’entéléchie d’un corps organisé, présente dans l’ensemble du vivant sous les espèces d’âme végétative et sensitive, pour voir son rôle réservé au domaine anthropologique ; la nature physique inerte n’a plus besoin pour être intelligible des formes substantielles conçues comme de petites âmes, identifiant les espèces des corps, mais d’une mathématisation, remplaçant ainsi la forme par la figure et par le mouvement.

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