Figures de philosophes dans l’œuvre de Diderot
« Ah, Philosophe, comment ? », s’exclamait Galiani, en riant de la fidélité de son ami Diderot à la démonstration de son matérialisme athée qui soustrait la nature entière au Tout-Puissant pour ne la confier qu’au hasard en vertu d’un simple calcul de probabilité. « Tenez, Philosophe ! », s’écriait en rêvant D’Alembert malade, consciemment et opinâtrement sceptique — « sceptique je me serai couché, sceptique je me lèverai » —, mais rêvant comme un matérialiste, un naturaliste, un nouveau Démocrite — « il y a quelque adresse à avoir mis mes idées dans la bouche d’un homme qui rêve : il faut souvent donner à la sagesse l’air de la folie ».
Le Neveu de Rameau saluait Diderot : « Adieu, Monsieur le philosophe », en riant de lui et en tournant en dérision cette étrangeté par laquelle les philosophes décorent la philosophie du nom de vertu : un esprit romantique inconnu aux gens du monde, une âme singulière, un goût tout à fait particulier. Une vertu et une philosophie qui, selon le Lui du dialogue, rendrait l’univers horriblement triste et sombre, mais qui, selon le Moi du philosophe, serait l’unique condition qui pût nous dispenser des différentes et viles pantomimes de l’espèce humaine, en payant toutefois par la pauvreté, sinon par l’indigence et par le sacrifice, le prix de la fidélité à la sagesse. Nouveau Diogène — « l’habit du Cynique était, autrefois, notre habit monastique » —, le philosophe, malgré sa vertu, ne réussira toutefois pas à convaincre ce « cynique dégénéré », le Neveu, à qui finalement restera la dernière parole : « Rira bien qui rira le dernier ».