Hegel et l’injustice

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Hegel et l’injustice

La troisième section du droit abstrait, dans les Principes de la philosophie du droit de Hegel, a pour objet l’Unrecht, le déni du droit ou l’injustice . Il s’agit des actes illicites relatifs à la propriété, que ceux-ci soient ou non assortis de l’intention véritable de violer le droit. Ainsi, le premier objet examiné dans la section, le « déni du droit sans parti pris » (unbefangenes Unrecht), consiste en une violation « candide » de la justice, au sens où elle a pour cause la seule ignorance. En revanche, les deux moments ultérieurs de la section – à savoir, la «fraude » (Betrug) et la « contrainte et le crime » (Zwang und Verbrechen) – sont bien relatifs à la sphère pénale. La fraude désigne en effet l’acte injuste auquel l’agent confère sciemment l’apparence du droit, tandis que la contrainte et le crime, tels qu’ils sont ici thématisés, renvoient à la violence volontaire exercée à l’encontre d’autrui. Or cette thématique n’est pas sans susciter la perplexité. Une approche encore superficielle du texte amène en effet à constater un certain nombre d’options théoriques qui peuvent, d’une certaine façon, apparaître inattendues. On remarque tout d’abord qu’un statut positif est accordé au déni du droit. Celui-ci ne constitue pas un simple non-être, une privation de droit, mais il existe comme moment réel et indépendant. Par ailleurs, s’il apparaît en référence à la justice, il n’en est pas seulement l’envers. Aux yeux de Hegel, s’accorder sur ce qu’est le juste n’est manifestement pas suffisant pour épuiser le problème de l’injuste. En réalité, la relation entre les deux termes apparaît comme complexe, et constitue précisément l’objet de la section. Il faut également admettre qu’il existe, pour l’auteur de l’Encyclopédie, une vitalité spécifique de l’Unrecht. Si celui-ci possède le statut d’un moment dans le parcours systématique, c’est qu’il est en quelque sorte indispensable.

https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2004-3-page-331.htm