Maïmonide. Le guide des égarés
Tu connais la postérité glorieuse de ce qu’ont dit les philosophes à propos de Dieu dont ils déclarent qu’Il est l’intellect (aql), l’intelligent (‘aaqil) et l’intelligible (ma’qul). Et ces trois notions (ma’ana) constituent en Lui une seule et même signification, selon le principe de non excès qui le caractérise. Et nous avons, nous aussi rappelé cela dans notre Grand Commentaire, car cela représente un fondement de notre loi mosaïque comme nous l’avons montré à cet endroit, à savoir l’unité de Son existence par soi seul à laquelle aucune autre chose ne s’adjoint. Je veux dire qu’il est une chose éternelle et rien d’autre. C’est pourquoi, on dit à son sujet : « Dieu Le Vivant » et non pas « la Vie de Dieu » car sa vie n’est pas autre chose que son essence comme nous l’avons montré dans les pages précédentes par la négation des attributs. Il ne fait aucun doute que celui qui ne consulte pas les livres écrits au sujet de l’intellect et qui en ignore l’essence, comme sa substance et qui ne saisit pas les formes qui sont engendrées à partir de Lui, celui-là ne saisit pas la signification de la blancheur ni de la noirceur et il éprouve beaucoup de difficultés à comprendre le sens de cette notion. Et nous disons qu’Il est l’intellect, l’intelligent en acte et l’intelligé (ce qui est intelligé ou intelligible) en soi, comme lorsque nous disons que la blancheur, ce qui est blanchi et ce qui blanchit sont une seule et même chose. Combien d’ignorants tenteront de nous contredire au sujet de cet exemple et de ce qui s’en suit. Et combien sont ceux qui, même s’ils s’adonnent à la science, seront en difficulté (168) sur cette question et s’imagineront que la science qui consiste à établir la nécessité de cela est une chose qui dépasse l’entendement. Or cela est une matière démonstrative claire et évidente, selon ce qu’ont établi à son propos les philosophes métaphysiciens. Et me voici là à tâcher de te faire comprendre ce qu’ils ont démontré.
Sache que l’homme avant qu’il ne conçoive une chose, il a en lui-même en puissance une capacité de conception quand il conçoit quelque chose. C’est comme quand tu dis : quand il conçoit la forme de ce morceau de bois que je te montre là, il sépare la forme de sa substance, et il conçoit la forme en elle-même, abstraitement. Si cela est un acte de l’intellect, il est alors intellect réellement en acte et l’intellect devenu en acte (pris dans l’acte de) est la forme abstraite du morceau de bois, qui se trouve dans l’esprit de l’homme, car l’intellect n’est rien d’autre chose que la notion ou objet qui est objet de son intelligence ou conception.
[Note de l’éditeur] Le lecteur trouvera ici une traduction originale des chapitres 68 à 76 du Livre I du Guide des égarés.