Il n’y a peut-être pas d’occupation qui nous soit aussi familière que celle de raconter. « Alors, raconte ! », nous demande l’ami dont nous avions été séparé quelques années, quelques mois ou quelques heures. L’impératif est superflu : nous l’aurions fait de toute façon. Nos actions, nos passions, nos rencontres, tout enfin nous en fournit le motif ou l’occasion. C’est à croire que la vie même demande récit. Mais pourquoi ? Paul Ricœur répond pour une part essentielle à cette question lorsqu’il remarque que le patient qui s’adresse au psychanalyste, le fait dans l’espoir que sa vie devienne à la fois plus supportable et plus intelligible . C’est la souffrance, alors, qui demande récit. Dans son livre, Paroles suffoquées, Sarah Kofman dit comment ceux qui sont revenus d’Auschwitz n’avaient de cesse de raconter, raconter sans fin, « comme si seul un [récit] infini était à la mesure du dénuement infini » . Primo Lévi le confirme : « le besoin de raconter […] avait acquis chez nous, avant comme après notre libération, la force d’une impulsion immédiate, aussi impérieuse que les autres besoins élémentaires » . Ricœur en est bien d’accord : « toute l’histoire de la souffrance […] appelle récit » . Mais quelle est alors la fonction du récit ? De mettre de l’ordre ? de donner un sens ? de partager une expérience ? Une autre réponse est suggérée par le titre du livre de Thierry Hentsch, Raconter et mourir : nous racontons pour ne pas mourir – enfin, pour ne pas mourir tout à fait… Comment ne pas songer ici à l’antique représentation du temps comme un dieu qui dévore ses propres enfants ? Le récit est peut-être le meilleur moyen qu’ont trouvé ceux-ci d’échapper à sa voracité.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Paul-Ricœur-philopsis-e1605691811889.jpg286235Porée Jérômehttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngPorée Jérôme2018-10-08 16:49:032021-10-22 09:53:45Le temps raconté, au prisme de l’anthropologie philosophique de Paul Ricœur
La pensée d’Henri Maldiney pourrait sembler dépassée au titre du fil directeur qu’elle poursuit tout au long des chapitres et des pages qu’elle consacre à l’art, et qui pourrait se formuler ainsi: le rapport à l’art exige la présence de l’œuvre. Le terme de « présence », qui prend un sens décisif et exceptionnel en ce qu’il rejoint ici celui d’« existence » – Maldiney intitule un de ses livres Art et existence -, doit être précisé et approfondi. Il indique toutefois deux grands axes structurants de l’approche. Le premier, c’est que l’œuvre est tout autre chose que l’image. Cette affirmation, posée comme une exigence par où la philosophie élabore son ancrage au regard de l’art, n’est pas sans interpeller par le net décalage qu’elle marque vis-à-vis d’un monde de l’art, le nôtre, envahi par des images de toute sortes : les images vidéo, cinématographiques et photographiques, sans compter la « reproductibilité technique » que Walter Benjamin a désignée et analysée à juste titre comme un fait majeur de l’époque – la reproductibilité technique, que ce soit dans le domaine visuel ou sonore, conduisant à substituer à l’« ici et maintenant » de l’œuvre, des images visuelles ou sonores. Même dans le domaine de la performance, a priori basée sur le vif de l’expérience, les artistes tendent à réclamer des images, des enregistrements. Et du côté des musées où l’on pourrait espérer retrouver l’œuvre, à considérer l’usage qui y est fait des appareils photos des téléphones portables, on se dit que les comportements visent finalement encore à capter des images. Maldiney, en revendiquant l’œuvre en présence, tourne le dos résolument à cette tendance dominante de l’époque.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Henri-Maldiney-philopsis-e1605692163444.jpg182155Boissière Annehttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngBoissière Anne2018-10-05 11:27:092023-08-25 08:09:33Henri Maldiney et l’art: une pensée intempestive. L’œuvre d’art en présence
L’épicurisme a dans l’histoire de la philosophie une situation singulière, qu’on peut caractériser comme un double retour. Retour d’abord à ce qui selon Aristote fut l’un des gestes philosophiques marquants de Socrate : ramener la philosophie du ciel sur la terre, c’est-à-dire chercher la solution des questions morales, plutôt que l’explication théorique des phénomènes naturels. La morale socratique paraît avoir été un eudémonisme, empreint même d’un certain hédonisme. Épicure quant à lui donne pour objet essentiel à la sagesse philosophique la réalisation d’une vie heureuse, dont le critère et le moyen sont le plaisir. Il y a chez lui comme une primauté du point de vue pratique, en ce sens que le bonheur, défini comme paix de l’âme, est ce qui donne leur raison d’être à toutes les parties de la philosophie, y compris la physique et la théorie de la connaissance. On peut bien voir là un retour par rapport à ce qui avait été le dernier mot en la matière des deux plus illustres disciples de Socrate : Platon et Aristote. Ni l’un ni l’autre assurément n’ont négligé le perfectionnement moral des individus ni la réforme politique de la cité. Ils s’y sont employés en actes et pas seulement en discours. Mais ils avaient situé le souverain bien, et Aristote plus encore que Platon, dans l’activité de connaissance, et plus précisément dans la connaissance du plus haut intelligible : Dieu en tant que bien absolu, souverain bien. Aussi Aristote subordonnait-il les vertus morales, nécessaires à l’action, à cette fin en soi que peut seule être la contemplation de la vérité. L’épicurisme inverse cette subordination. Cette inversion ne signifie cependant pas une renonciation à la spéculation théorique, dans la mesure où une certaine théorie apparaît nécessaire à la paix de l’âme.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Lucrece-philopsis-e1605691942355.png12495Kany-Turpin Joséhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngKany-Turpin José2018-09-22 16:25:402021-10-22 09:47:39Notre passé antérieur prophétisé? Lucrèce, De rerum natura, V, 925-1457
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Lucrece-philopsis-e1605691942355.png12495Kany-Turpin Joséhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngKany-Turpin José2018-09-22 13:13:172021-10-22 09:48:19Raisonnement et poésie dans le chant I de Lucrèce, vers 1-950
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/philopsis_rene_descartes.jpg263200Kambouchner Denishttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngKambouchner Denis2018-09-17 19:23:492020-10-01 15:01:48Descartes: un monde sans fous ? Des Méditations métaphysiques au Traité de l’Homme
Lucrèce naît quelques 240 ans après Epicure, quelque 360 ans après Démocrite. De Lucrèce, l’on ne sait vraiment pas grand chose, sauf qu’il a vécu une quarantaine d’années dans la première moitié du premier siècle avant Jésus-Christ. On ne sait ni sa date de naissance (autour de 98-94), ni celle de sa mort (autour de 55-52), ni la durée précise de sa vie (40-44 ans), ni sa classe et son statut social (on a fait beaucoup d’hypothèses à la fois à partir de son nom, à partir de son surnom [cognomen] Carus, à partir du dédicataire de son poème, Memmius ou plus encore en raison des positions politico-sociales de l’épicurisme). On ne sait quand il écrivit son poème (en février 54, Cicéron dit à son frère Quintus avoir lu les « poemata » de Lucrèce, mais cela désigne-t-il le De rerum natura ?) On ne sait comment et à la suite de quoi il est mort. La thèse de son suicide et celle de sa folie vient du seul saint Jérôme (dans sa Chronique) que cette thèse arrange trop pour qu’on l’accepte les yeux fermés… Le suicide d’un négateur de la Providence est une aubaine suspecte. La thèse de la folie de Lucrèce ne peut vraiment invoquer le « docti furor Lucreti » de Stace, furor pouvant signifier seulement l’enthousiasme de Lucrèce dans son poème. Curieusement, les apologistes Lactance et Arnobe ne disent mot de sa folie et de son suicide, alors qu’ils tirent à boulets rouges sur l’égarement dans lequel tombe l’épicurisme. Certains ont cru pouvoir trouver des indices du déséquilibre mental de Lucrèce dans le désordre rédactionnel régnant dans son poème (mais il n’en comporte aucun qui soit évident et majeur…) et dans l’atmosphère de certaines pages qui manifestent une anxiété, un pessimisme et quelque goût macabre : voir les pages critiques de l’amour-passion à la fin du livre IV, le pessimisme antifinaliste dans le chant V (la nature est une marâtre) et la description de la grande peste d’Athènes sur laquelle s’achève ou s’interrompt le poème.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/Lucrece-philopsis-e1605691942355.png12495Chenet François-Xavierhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngChenet François-Xavier2018-09-03 18:42:082025-01-13 11:44:06Lucrèce. De natura rerum. Synopsis
History of sciences was divided by Ernst Cassirer in two parts: in the first, the world was explained in terms of substances, in the second in terms of functions. According to Cassirer, Locke was on the border of the two, transitioning from one to the other but remaining on the old side. Cassirer explains : [According to Locke] Knowledge (in the precise meaning of the word) may be used only when the properties of objects … will all be perfectly intelligible and certain, thus only when it will be possible to bring out immediately and to determine a priori the whole of their modalities. Now … such a command cannot be satisfied by what is taught in the sciences of Nature.… [In reality], modern science has accomplished in part only the ideal Locke has drawn; first, modern science was constrained to give to this ideal a new orientation: [modern science] thinks in agreement with Locke that it exceeds the real aim of the most exigent empirical knowledge to deduce the distinctive qualities of corporeal substances from their ‘substantial being’; but, so far, modern science does not renounce to build a network of concepts aiming to systemise the empirical data themselves.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/John-Locke-philopsis-e1606231364723.jpg620491Vienne Jean-Michelhttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngVienne Jean-Michel2018-07-27 22:29:022021-10-22 10:32:22Ideas of relations, relations between things
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/03/Henri-Bergson-philopsis.jpg200200Fradet Pierre-Alexandrehttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngFradet Pierre-Alexandre2018-07-06 09:32:562021-10-24 10:06:34La durée bergsonienne et le temps d’Einstein: conciliation et insubordination
Le livre IV de l’Essai de Locke constitue la dernière partie de l’ouvrage et, tout à fait normalement, il se propose de répondre aux questions et de résoudre les problèmes qui sont à l’origine de ce travail. Dans son Epistle to the Reader, Locke indique comment lui est venue l’idée de son entreprise : une discussion difficile entre amis «sur un point fort différent de celui que je traite dans cet ouvrage… » le convainc «qu’avant de nous engager dans ces sortes de recherches, il était nécessaire d’examiner notre propre capacité et de voir quels objets sont à notre portée ou au dessus de notre compréhension ». Nous ne disposons d’aucune certitude concernant le contenu de la discussion ; mais il est probable qu’il s’agissait de la connaissance de la loi naturelle, question vers laquelle Locke s’était orienté à partir des problèmes politiques dont il traite dans des ouvrages écrits dans les années 1660 – une dizaine d’années avant le début de la conception de l’Essai. L’œuvre en question, dans son ensemble, traite donc de ce que l’on appelle depuis le XIXè siècle une théorie de la connaissance dans le but d’établir la valeur et les limites de celle-ci selon les objets qu’elle envisage ; cette entreprise, dont on peut dire qu’il s’agit d’une première forme d’entreprise critique (d’ailleurs remarquée comme telle par Kant), a pour objectif de nous éviter de nous lancer dans des recherches et des controverses inutiles en ce qu’elles dépassent nos capacités de connaître ; mais aussi de sombrer dans le scepticisme, précisément dans des domaines importants comme la religion et la morale, pour lesquels Locke s’efforce de montrer que l’établissement de connaissances certaines est possible si l’on s’en donne la peine.
https://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/11/John-Locke-philopsis-e1606231364723.jpg620491Dutrait Françoishttps://philopsis.fr/wp-content/uploads/2020/02/logo_philopsis3-300x107.pngDutrait François2018-06-30 15:19:512021-10-22 10:36:45An Essay concerning Human Understanding, Book IV, Of Knowledge and Opinion
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Le temps raconté, au prisme de l’anthropologie philosophique de Paul Ricœur
RicœurIl n’y a peut-être pas d’occupation qui nous soit aussi familière que celle de raconter.
« Alors, raconte ! », nous demande l’ami dont nous avions été séparé quelques années, quelques mois ou quelques heures. L’impératif est superflu : nous l’aurions fait de toute façon. Nos actions, nos passions, nos rencontres, tout enfin nous en fournit le motif ou l’occasion. C’est à croire que la vie même demande récit. Mais pourquoi ? Paul Ricœur répond pour une part essentielle à cette question lorsqu’il remarque que le patient qui s’adresse au psychanalyste, le fait dans l’espoir que sa vie devienne à la fois plus supportable et plus intelligible . C’est la souffrance, alors, qui demande récit. Dans son livre, Paroles suffoquées, Sarah Kofman dit comment ceux qui sont revenus d’Auschwitz n’avaient de cesse de raconter, raconter sans fin, « comme si seul un [récit] infini était à la mesure du dénuement infini » . Primo Lévi le confirme : « le besoin de raconter […] avait acquis chez nous, avant comme après notre libération, la force d’une impulsion immédiate, aussi impérieuse que les autres besoins élémentaires » . Ricœur en est bien d’accord : « toute l’histoire de la souffrance […] appelle récit » .
Mais quelle est alors la fonction du récit ? De mettre de l’ordre ? de donner un sens ? de partager une expérience ? Une autre réponse est suggérée par le titre du livre de Thierry Hentsch, Raconter et mourir : nous racontons pour ne pas mourir – enfin, pour ne pas mourir tout à fait… Comment ne pas songer ici à l’antique représentation du temps comme un dieu qui dévore ses propres enfants ? Le récit est peut-être le meilleur moyen qu’ont trouvé ceux-ci d’échapper à sa voracité.
Henri Maldiney et l’art: une pensée intempestive. L’œuvre d’art en présence
MaldineyLa pensée d’Henri Maldiney pourrait sembler dépassée au titre du fil directeur qu’elle poursuit tout au long des chapitres et des pages qu’elle consacre à l’art, et qui pourrait se formuler ainsi: le rapport à l’art exige la présence de l’œuvre. Le terme de « présence », qui prend un sens décisif et exceptionnel en ce qu’il rejoint ici celui d’« existence » – Maldiney intitule un de ses livres Art et existence -, doit être précisé et approfondi. Il indique toutefois deux grands axes structurants de l’approche.
Le premier, c’est que l’œuvre est tout autre chose que l’image. Cette affirmation, posée comme une exigence par où la philosophie élabore son ancrage au regard de l’art, n’est pas sans interpeller par le net décalage qu’elle marque vis-à-vis d’un monde de l’art, le nôtre, envahi par des images de toute sortes : les images vidéo, cinématographiques et photographiques, sans compter la « reproductibilité technique » que Walter Benjamin a désignée et analysée à juste titre comme un fait majeur de l’époque – la reproductibilité technique, que ce soit dans le domaine visuel ou sonore, conduisant à substituer à l’« ici et maintenant » de l’œuvre, des images visuelles ou sonores. Même dans le domaine de la performance, a priori basée sur le vif de l’expérience, les artistes tendent à réclamer des images, des enregistrements. Et du côté des musées où l’on pourrait espérer retrouver l’œuvre, à considérer l’usage qui y est fait des appareils photos des téléphones portables, on se dit que les comportements visent finalement encore à capter des images. Maldiney, en revendiquant l’œuvre en présence, tourne le dos résolument à cette tendance dominante de l’époque.
De natura rerum. Commentaire
Agrégation externe 2025 le hasard et la nécessité, Lucrèce, Textes LatinsL’épicurisme a dans l’histoire de la philosophie une situation singulière, qu’on peut caractériser comme un double retour.
Retour d’abord à ce qui selon Aristote fut l’un des gestes philosophiques marquants de Socrate : ramener la philosophie du ciel sur la terre, c’est-à-dire chercher la solution des questions morales, plutôt que l’explication théorique des phénomènes naturels. La morale socratique paraît avoir été un eudémonisme, empreint même d’un certain hédonisme. Épicure quant à lui donne pour objet essentiel à la sagesse philosophique la réalisation d’une vie heureuse, dont le critère et le moyen sont le plaisir. Il y a chez lui comme une primauté du point de vue pratique, en ce sens que le bonheur, défini comme paix de l’âme, est ce qui donne leur raison d’être à toutes les parties de la philosophie, y compris la physique et la théorie de la connaissance.
On peut bien voir là un retour par rapport à ce qui avait été le dernier mot en la matière des deux plus illustres disciples de Socrate : Platon et Aristote. Ni l’un ni l’autre assurément n’ont négligé le perfectionnement moral des individus ni la réforme politique de la cité. Ils s’y sont employés en actes et pas seulement en discours. Mais ils avaient situé le souverain bien, et Aristote plus encore que Platon, dans l’activité de connaissance, et plus précisément dans la connaissance du plus haut intelligible : Dieu en tant que bien absolu, souverain bien. Aussi Aristote subordonnait-il les vertus morales, nécessaires à l’action, à cette fin en soi que peut seule être la contemplation de la vérité. L’épicurisme inverse cette subordination.
Cette inversion ne signifie cependant pas une renonciation à la spéculation théorique, dans la mesure où une certaine théorie apparaît nécessaire à la paix de l’âme.
Notre passé antérieur prophétisé? Lucrèce, De rerum natura, V, 925-1457
Lucrècehttps://journals.openedition.org/anabases/2704
Raisonnement et poésie dans le chant I de Lucrèce, vers 1-950
Lucrècehttps://www.persee.fr/doc/vita_0042-7306_2006_num_175_1_1218
Descartes: un monde sans fous ? Des Méditations métaphysiques au Traité de l’Homme
Descarteshttps://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2010-2-page-213.htm
Lucrèce. De natura rerum. Synopsis
LucrèceLucrèce naît quelques 240 ans après Epicure, quelque 360 ans après Démocrite.
De Lucrèce, l’on ne sait vraiment pas grand chose, sauf qu’il a vécu une quarantaine d’années dans la première moitié du premier siècle avant Jésus-Christ. On ne sait ni sa date de naissance (autour de 98-94), ni celle de sa mort (autour de 55-52), ni la durée précise de sa vie (40-44 ans), ni sa classe et son statut social (on a fait beaucoup d’hypothèses à la fois à partir de son nom, à partir de son surnom [cognomen] Carus, à partir du dédicataire de son poème, Memmius ou plus encore en raison des positions politico-sociales de l’épicurisme). On ne sait quand il écrivit son poème (en février 54, Cicéron dit à son frère Quintus avoir lu les « poemata » de Lucrèce, mais cela désigne-t-il le De rerum natura ?) On ne sait comment et à la suite de quoi il est mort. La thèse de son suicide et celle de sa folie vient du seul saint Jérôme (dans sa Chronique) que cette thèse arrange trop pour qu’on l’accepte les yeux fermés… Le suicide d’un négateur de la Providence est une aubaine suspecte. La thèse de la folie de Lucrèce ne peut vraiment invoquer le « docti furor Lucreti » de Stace, furor pouvant signifier seulement l’enthousiasme de Lucrèce dans son poème. Curieusement, les apologistes Lactance et Arnobe ne disent mot de sa folie et de son suicide, alors qu’ils tirent à boulets rouges sur l’égarement dans lequel tombe l’épicurisme. Certains ont cru pouvoir trouver des indices du déséquilibre mental de Lucrèce dans le désordre rédactionnel régnant dans son poème (mais il n’en comporte aucun qui soit évident et majeur…) et dans l’atmosphère de certaines pages qui manifestent une anxiété, un pessimisme et quelque goût macabre : voir les pages critiques de l’amour-passion à la fin du livre IV, le pessimisme antifinaliste dans le chant V (la nature est une marâtre) et la description de la grande peste d’Athènes sur laquelle s’achève ou s’interrompt le poème.
Ideas of relations, relations between things
LockeHistory of sciences was divided by Ernst Cassirer in two parts: in the first, the world was explained in terms of substances, in the second in terms of functions. According to Cassirer, Locke was on the border of the two, transitioning from one to the other but remaining on the old side. Cassirer explains :
[According to Locke] Knowledge (in the precise meaning of the word) may be used only when the properties of objects … will all be perfectly intelligible and certain, thus only when it will be possible to bring out immediately and to determine a priori the whole of their modalities. Now … such a command cannot be satisfied by what is taught in the sciences of Nature.… [In reality], modern science has accomplished in part only the ideal Locke has drawn; first, modern science was constrained to give to this ideal a new orientation: [modern science] thinks in agreement with Locke that it exceeds the real aim of the most exigent empirical knowledge to deduce the distinctive qualities of corporeal substances from their ‘substantial being’; but, so far, modern science does not renounce to build a network of concepts aiming to systemise the empirical data themselves.
La durée bergsonienne et le temps d’Einstein: conciliation et insubordination
Bergsonhttps://www.artsrn.ualberta.ca/symposium/files/original/6ca2500eb2b2b0b0a6455cdc673d6c14.pdf
An Essay concerning Human Understanding, Book IV, Of Knowledge and Opinion
LockeLe livre IV de l’Essai de Locke constitue la dernière partie de l’ouvrage et, tout à fait normalement, il se propose de répondre aux questions et de résoudre les problèmes qui sont à l’origine de ce travail. Dans son Epistle to the Reader, Locke indique comment lui est venue l’idée de son entreprise : une discussion difficile entre amis «sur un point fort différent de celui que je traite dans cet ouvrage… » le convainc «qu’avant de nous engager dans ces sortes de recherches, il était nécessaire d’examiner notre propre capacité et de voir quels objets sont à notre portée ou au dessus de notre compréhension ». Nous ne disposons d’aucune certitude concernant le contenu de la discussion ; mais il est probable qu’il s’agissait de la connaissance de la loi naturelle, question vers laquelle Locke s’était orienté à partir des problèmes politiques dont il traite dans des ouvrages écrits dans les années 1660 – une dizaine d’années avant le début de la conception de l’Essai. L’œuvre en question, dans son ensemble, traite donc de ce que l’on appelle depuis le XIXè siècle une théorie de la connaissance dans le but d’établir la valeur et les limites de celle-ci selon les objets qu’elle envisage ; cette entreprise, dont on peut dire qu’il s’agit d’une première forme d’entreprise critique (d’ailleurs remarquée comme telle par Kant), a pour objectif de nous éviter de nous lancer dans des recherches et des controverses inutiles en ce qu’elles dépassent nos capacités de connaître ; mais aussi de sombrer dans le scepticisme, précisément dans des domaines importants comme la religion et la morale, pour lesquels Locke s’efforce de montrer que l’établissement de connaissances certaines est possible si l’on s’en donne la peine.