Plotin — Ennéades — traité 38. Commentaire
… Il s’agit du pas ultime à accomplir, dès lors que l’accession à la vie spirituelle a permis à l’âme de jouir de la beauté des formes qui sont dans l’intellect. Plotin laisse entendre ici qu’il y aurait quelque chose d’inachevé dans la poursuite du souverain bien si l’âme s’en tenait à cette jouissance : la bonté de l’intelligible n’étant elle-même qu’une participation à celle de l’un, c’est en jouir imparfaitement que de s’en contenter au lieu de passer d’elle à lui, puisque ce n’est pas en avoir une intelligence complète que de ne pas les penser comme dépendant essentiellement et immédiatement de l’un.
Il s’agit bien ici de la dernière étape de l’accession au transcendant, mais elle s’accomplit encore sur le mode verbal, discursif et dialectique, du discours, et non pas encore sur celui de l’intuition mystique, qui en tout état de cause ne peut être qu’au-delà du discours lui-même.
Plotin expose alors très logiquement les thèses majeures de son apophatisme hénologique.
1/ Ce qui est principe ne peut pas faire partie de ce dont il est principe. La beauté commune à toutes les formes implique qu’aucune d’elles n’est à elle seule cette beauté, et ne peut donc être source plus de sa propre beauté que de celle des autres : c’est la raison pour laquelle il faut reconnaître à toutes ces beautés un principe distinct d’elles.
2/ Le principe ne fait pas partie des formes.
3/ Le principe n’est pas non plus la totalité des formes, qui constitue l’esprit….
4/ Le principe est informe.
5/ Il l’est en un autre sens que la matière parce que, à la différence de celle-ci, il n’a pas « besoin de forme (morphès déoménon) ».
6/ La forme est nécessaire à tout être produit, parce que c’est elle qui apporte une détermination à la matière (ce qui implique que la matière comme telle ne puisse pas être un produit, mais aussi qu’elle n’a aucune puissance de produire par elle-même quoi que ce soit). Le principe étant ce qui n’est produit ni productible par rien, il ne saurait être déterminé par une forme, mais cette indétermination est ce qui fait que, à l’opposé de la matière, il est aussi la source de toute détermination.
Autrement dit : tous les êtres, intelligibles ou sensibles – ceux qui sont les formes, et ceux qui ont les formes – ont pour conditions de possibilité deux indéterminations de signification opposée : celle de l’absolu pour tous les êtres, et, pour les sensibles, celles de l’absolu d’une part, de la matière d’autre part.
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