Emmanuel Kant. Avant / après
Ce texte est la réédition en ligne d’un livre qui a paru aux éditions Criterion en 1991 et qui est épuisé depuis un certain temps déjà. Si sa rediffusion paraît opportune, c’est d’abord parce que la plupart des introductions à Kant, de par leur vocation même, n’ont pas pour objectif premier de situer la philosophie kantienne par rapport à ses devanciers et ses successeurs. Or il est très difficile de lire Kant si on ne comprend pas à quelle constellation de questions il a tenté de répondre, mais aussi la manière dont sa postérité a tenté de prendre la mesure de ses réponses. Mais si cette réédition me tient à cœur, c’est surtout parce que les introductions disponibles négligent aussi, curieusement, de prendre en compte la réponse de Kant lui-même au problème fondamental qu’à voulu affronter sa philosophie, celui de la possibilité de la métaphysique.. S’il y a en général unanimité sur ce « problème » et la manière de le poser, la littérature kantienne a singulièrement omis de sonder la rigueur de la réponse spécifiquement kantienne. Il est possible que Kant, comme nous le verrons ici, ait lui-même été responsable de l’ambiguïté qui entoure l’issue qu’il souhaitait ouvrir à la métaphysique. Il ne fait aucun doute cependant que sa postérité à trop unilatéralement vu en lui le grand fossoyeur de la métaphysique ou celui qui aurait voulu la remplacer par une science qui ne reposerait que sur l’expérience. S’il en est ainsi, il va de soi que la métaphysique — et par là-même la philosophie, c’est l’un des enjeux de la question kantienne — n’est pas possible. Or Kant veut rendre la métaphysique possible et lui ouvrir une nouvelle voie. Comment s’y prend il ? En quoi son chef d’œuvre, la Critique de la raison pure, espère t-il trouver une réponse positive au problème de la métaphysique ? En reprenant une idée d’abord présentée dans un article intitulé « La conclusion de la Critique de la raison pure » (Kant-studien, 81, 1990, 129-144), mon intention est de montrer que c’est dans le Canon de la raison pure (pratique) que Kant a voulu présenter cette issue et dès son ouvrage fondamental de 1781.