Peut-on refuser la violence ?

Il pourrait être impossible de renoncer, pour soi, à la violence et de refuser toute violence venue d’ailleurs que soi-même. Pourquoi ? Sans doute parce que l’existence de phénomènes violents en dehors de nous (tempêtes, ouragans, éruptions volcaniques, raz-de-marée, inondations, etc.) ne dépend pas de nous ; et ce que nous pouvons faire, c’est nous en protéger tant bien que mal. Sans doute parce que d’une certaine façon, tout être vivant exerce une violence sensible envers son milieu : il y prend de la nourriture, il assure sa reproduction parfois au prix de la mort d’autres vivants, – telle la mante religieuse qui consomme le mâle qui l’a fécondé pour se nourrir avant de donner la vie -, il peut chasser ou pécher ou parasiter un hôte jusqu’à son dépérissement, il pollue, etc. Nul ne vit en Eden, en une communauté totalement pacifiée avec son environnement et les autres êtres : ce serait un mythe. Qu’il y ait de toute façon de la violence est de l’ordre du fait.

« Nous ne sommes que de simples mortels sans défense, pris dans l’immense heurt de forces de himsâ (violence). Le dicton selon lequel la vie se nourrit de vie, a une force profonde. L’homme ne peut vivre un seul instant sans accomplir vers l’extérieur un acte de himsâ, consciemment ou non. Le fait même qu’il vit, qu’il mange boit, se meut alentour – implique nécessairement une part de himsâ, de destruction de vie, si infime soit-elle. » (Gandhi, Autobiographie, 4e partie, chapitre 39, p. 445)

Maintenant, dirons-nous, si nous devons bien supporter les violences naturelles et nécessaires, qui ne manquent pas de se produire, nous pourrions peut-être éviter d’aller plus loin que de nous nourrir et reproduire, et tenter d’user de violence avec parcimonie ; nous éviterions tous ces suppléments de violence, qui seraient des violences « culturelles », par exemple pour nous : les agressions, les duels, les assassinats, les bagarres, les batailles et guerres, les attaques de diligence ou de trains, les bombardements, les tortures, les viols, les abattoirs industriels, etc. ; les inégalités, dominations, répressions, etc. En un sens nos « cultures » comprennent beaucoup trop de violences artificielles, non nécessaires. Sous un autre rapport, elles prétendent tenter de les limiter ; car nous appelons « se civiliser » apprendre à avoir de bonnes mœurs, bien policées et courtoises, pacifiées, détournant nos énergies des combats pour les consacrer à avoir de bonnes manières, à fabriquer de bonnes choses, par exemple ; inventant les sports, réglés, arbitrés, spectaculaires, pour détourner les hommes des agressions brutales qui les tenteraient, ou des funestes jeux romains du cirque ; inventant des interdits sur des actes jugés immoraux : voler, enlever, trahir, mentir, tromper, etc. , à l’aide d’un certain nombre de : « tu ne X…eras pas » ! Moralisés, cadrés par un Droit, par des rites, nous devrions pouvoir vivre en êtres bien policés et plutôt « sages » ! De fait, certains de nos contemporains font remarquer que les faits culturels de violence ont probablement quantitativement décru au cours de notre histoire.Tout se passe comme si nous nous étions de plus en plus civilisés.

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