Sur quelques moments de la pensée du monde
Le cosmos désigne les êtres considérés dans leur tout ou comme tout systématiquement ordonné ; ce tout peut être interrogé quant à sa nature (cosmo-logie) et quant à son origine (cosmo-gonie).
Les premières interrogations cosmologiques-cosmogoniques appartiennent à la pensée mythique (Voir sur ce sujet Mircea Eliade, Aspects du mythe, ch. IV, « Eschatologie et cosmogonie » et Le sacré et le profane, ch. III, « la sacralité de la nature et la religion cosmique »).
Dans les mythes relevant de ce qui a été appelé « drame de création », le kosmos, le monde, l’ordre adviennent le plus souvent comme le résultat d’une lutte intérieure au divin.
Dans le grand mythe cosmogonique assyro-babylonien, Tiamat et Apsu forment le couple originaire, le mélange initial des eaux salées et des eaux douces. Un jour, les plus jeunes dieux « troublèrent les sens de Tiamat, en faisant du vacarme dans les demeures célestes ». Apsu désira les détruire, et Mummu, son fils et son vizir lui proposa un plan. « Lorsqu’Apsu l’eut entendu, son visage s’illumina, pour le mal qu’il méditait contre les dieux ses fils ». Mais le plan échoue, Apsu est tué pendant son sommeil, Tiamat, enflammée de rage enfante des monstres, vipère, dragon, sphinx, grand lion, chien fou, homme-scorpion et entreprend de se venger en tuant ses enfants. Mardouk, le plus puissant et le plus sage des fils engouffre dans son corps la violence des vents mauvais, par la force desquels il réussit à vaincre Tiamat. Et c’est ainsi que naît le Cosmos : Tiamat est dépecée et de son cadavre dépecé procèdent les part distinctes du Cosmos.
Ricœur commente : « le geste créateur, qui distingue, sépare, mesure et met en ordre, est indiscernable du geste criminel qui met fin à la vie des plus vieux dieux, il est inséparable d’un déicide inhérent au divin. La violence est inscrite dans l’origine des choses, dans un principe qui instaure en détruisant ».
Une cosmogonie mythique peut-elle encore nous donner à penser ?
Les philosophes grecs ont tenté de transférer la cosmologie-cosmogonie mythique dans l’espace du logos. Le Timée en est un des expressions.
La pensée qui se déploie dans l’horizon de la christianité tente de penser le monde comme creatio ex nihilo.
Au XVIIIe s., la « cosmologie rationnelle » devient l’une des branches de la metaphysica specialis. Kant rappelle, dans la première Critique, au chapitre « Architectonique de la raison pure », la distinction classique depuis Wolf entre metaphysica generalis ou ontologie et metaphysica specialis, celle-ci se subdivisant en psychologie, cosmologie, théologie rationnelles.
Traite enfin de cosmologie la science elle-même qui, dans ses recherches de physique et d’astrophysique, propose des modèles expliquant la nature et l’origine de l’univers.