La fin de l’Etat

Dans son Traité théologico-politique, Spinoza écrit que « la fin de l’État est en réalité la liberté ». La pensée politique de Spinoza s’inscrit dans la postérité de la théorie de Hobbes, qui fonde l’État sur un pacte, c’est-à-dire une institution volontaire. Hobbes opposait explicitement sa propre doctrine au naturalisme aristotélicien. La formule de Spinoza rend toutefois cette opposition assez insignifiante puisque c’est Aristote qui a le premier défini l’État « une communauté d’hommes libres ». Elle s’explique dans la mesure où la conception de Hobbes servait à justifier un absolutisme politique dans lequel la « réalité » de la liberté prend une apparence qui semble lui être exactement contraire, celle d’une obéissance soumise à la puissance coercitive des pouvoirs publics. Aussi bien Nietzsche – pour qui au demeurant la notion de liberté était une illusion majeure – a-t-il pu décrire l’État moderne, issu des théories bourgeoises, comme « le plus froid de tous les monstres froids » . C’est à ce monstre que s’en prend la critique anarchiste, selon laquelle la liberté ne saurait être considérée comme la fin qui donnerait à l’État sa raison d’être, mais bien plutôt comme ce dont la réalisation suppose la disparition de celui-ci : la fin de l’État est alors supposée être le moyen de ce qu’une idéologie fallacieuse fait passer pour sa véritable justification.

Il paraît clair que l’obéissance volontaire aux lois de l’État pourra difficilement être motivée si elle est simplement contraire à la liberté qui est son principe. Il s’agit dès lors de savoir si celle-ci peut donner à l’État une finalité essentielle et permanente, qui justifie sa pérennité historique, ou s’il y a là une contradiction qui doit conduire à ce que Marx dénomme son dépérissement.

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