La force du langage et le langage de la force

A propos du livre de Paul RlCŒUR, De l’interprétation, Essai sur Freud (Coll. L’ordre philosophique)» Paris, Seuil, 1965.

Ce livre, le le sait, fait le point au tournant d’un long itinéraire. Comment un philosophe, penché depuis toujours sur les problèmes du volontaire et de l’involontaire, de l’imaginaire et du symbolique, n’en serait-il pas venu à se confronter avec Freud, et comment cette confrontation aurait-elle pu manquer de tout remettre en question ?

Si ample, si mûrie, si minutieuse même que soit cette étude, elle n’est pourtant pas indemne de toute équivoque et, sans savoir très précisément le sentiment de Ricœur lui-même, je doute qu’il en ait fini avec la psychanalyse et qu’il nous ait dit à propos d’elle son dernier mot. Car, enfin, il est impossible qu’une discussion sur le sens ultime de la pensée psychanalytique, ce que le livre est en fait, veuille se limiter à une exégèse, si fouillée soit-elle, de l’œuvre freudienne, ce à quoi Ricœur entend se borner. Il est trop clair que cette remarquable lecture de Freud est une lecture d’aujourd’hui et non de 1930. Dès lors, elle suppose une prise de position, au moins implicite, à l’égard des diverses figures ou interprétations que le freudisme a reçues dans la suite de son histoire. Si, par exemple, on constate que la pensée freudienne cherche à se réduire à une archéologie régressive ou qu’elle n’a pas approfondi jusqu’au point voulu par ses propres thèses la notion de symbolisme, la question sera de savoir si cette lacune ou cet approfondissement ne s’élimine ou ne se trouve pas ailleurs. Et, dès lors, on devra se demander aussi si les apports fournis par Ricœur demeurent valables dans le même sens, sitôt qu’on considère une notion historiquement plus large de la pensée psychanalytique.

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