Trois questions sur l’interprétation
A propos de l’interprétation, trois questions seront successivement examinées :
1- Pourquoi l’interprétation s’impose-t-elle ?
2- Comment s’effectue-t-elle ?
3- Existe-t-il des critères de vérité qui lui soient spécifiques?
La première question cherchera à déterminer ce qui, dans la réalité ou dans son expérience, nous contraint ou nous condamne à en passer par l’interprétation. La détermination de l’origine de cette nécessité supposée oblige à nous interroger sur les limites du concept et de l’activité d’interprétation. Qui interprète et pourquoi ? Suffit-il qu’il y ait signe (c’est-à-dire renvoi par une chose ou par la trace d’une chose à une autre chose absente) pour qu’il y ait aussi, et du même coup, interprétation ? Si oui, elle n’est pas une activité exclusivement humaine car certains animaux peuvent, par exemple, induire d’une odeur, d’un bruit, d’une trace, l’existence non immédiatement perceptible d’une proie ou d’un prédateur. Est-ce un abus de langage d’affirmer qu’ils interprètent des signes ? Et si l’on admet que le simple renvoi par une entité, quelle qu’elle soit, à une autre entité absente, pourvu que ce renvoi fournisse une information non actuellement existante, suffit à constituer l’interprétation, alors le concept et l’activité tendent à se diluer par une extension au moins corrélative au vivant. Dans les processus épigénétiques, est-il abusif d’affirmer que les gènes interprètent les changements de l’environnement ? Où passe la frontière entre la supposée simple transmission d’informations (sans activité du récepteur, sans déperdition durant le transport, sans danger d’erreur de réaction etc.) et l’interprétation « en bonne et due forme » ou, du moins, repérable en tant qu’activité spécifique ? La définition passerait alors par le tracé de limites et de frontières dont il faudrait, alors, légitimer l’autorité.