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Pierre Duhem : La théorie physique —son objet, sa structure https://epistemologia0910.files.wordpress.com/2010/01/duhem-pierre-la-the9orie-physique-son-objet-sa-structure1.pdf Jean-Bernard Zuber et alii : Phénomènes physiques, théories et modèles http://man21.free.fr/web/cnrs02_96.pdf Thomas Boyer et Anouk Barberousse : Interpréter une théorie physique https://journals.openedition.org/methodos/3118 Anouk Barberousse: Que peut-on conclure de l’accord entre modèles et données empiriques ? Alexandre Guay : Les métaphysiques des lois de la […]

http://www.henri-maldiney.org/sites/default/files/imce/_henri_maldiney_et_gilles_deleuze._la_station_rythmique_de_loeuvre_dart.pdf

http://www.philosophicalenquiries.com/numero3Hamou.pdf

« Car l’homme a créé Dieu, du moins le Dieu auquel il croit, il l’a créé et ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme (ce sont des vérités acquises aujourd’hui) ; l’homme a créé Dieu à son image et à sa ressemblance, agrandies jusqu’à ce que l’esprit humain ne pût concevoir de dimensions. » […]

Merleau-Ponty écrit dans un texte envoyé à Martial Guéroult au moment de sa candidature au Collège de France :
« Nous ne cessons pas de vivre dans le monde de la perception, mais nous le dépassons par la pensée critique, au point d’oublier la contribution qu’il apporte à notre idée du vrai […] »
« L’esprit qui perçoit est un esprit incarné et c’est l’enracinement de l’esprit dans son corps et dans son monde que nous avons cherché d’abord à établir, aussi bien contre les doctrines qui traitent la perception comme le simple résultat de l’action des choses extérieures sur notre corps, que contre celles qui insistent sur l’autonomie de la prise de conscience ».
La perception est, pour Merleau-Ponty, notre ouverture, notre initiation au monde et à l’être, elle est une lumière naturelle à laquelle le monde apparaît dans une sorte d’unité de l’être et du sens.
Cette unité de l’être et du sens est à la fois impérieuse, irrécusable, mais elle est aussi, dans le même temps, ouverte, présomptive, toujours en attente de sa confirmation : le monde, selon le mot de Malebranche, est un « ouvrage inachevé ». Et une vie humaine n’est peut-être rien d’autre que « l’acte même par lequel nous reprenons ce monde inachevé pour essayer de le totaliser et de le penser ».

Nous n’en avons pas fini de décliner les crises qui secouent notre monde. La crise est devenue mondiale et constante — au point d’impliquer une crise du concept de crise, puisque notre monde ne connaît jamais plus de dénouement. Notamment, nous vivons une mutation historique profonde qui remet en cause l’ordre de la société moderne parce qu’elle l’affecte dans un de ses « nœuds essentiels » (Bidet, Texier, La crise du travail, p. 5) : une crise du travail.
Il est sans doute paradoxal d’entamer notre réflexion sur le travail par une analyse de sa crise. Mais la crise ici déploie son potentiel critique (krisis/krinein) : c’est en quelque sorte par défaut, que la centralité du travail est alors révélée. La crise du travail juge la centralité du travail. En effet, la crise du travail c’est d’abord et avant tout le mal endémique du chômage dont souffrent toutes les sociétés industrialisées. Autrement dit la centralité sociale du chômage révèle la centralité du travail dans la société moderne. De ce point de vue, le travail constitue le critère de toute société moderne : une société où le travail n’est pas le fondement du lien social (qui est autre chose que la simple activité sociale du travail) n’est pas une société moderne. C’est donc au moment où le travail devient une denrée rare que sa fonction de lien social quasi-universel est pleinement manifestée. Or les effets de cette crise du travail (de la centralité du travail) sont multiples…

Rares sont les notions aussi protéiformes ou équivoques que celle d’interprétation. Cette notion concerne aussi bien les fausses sciences (astrologie, divination, numérologie, etc.) que les savoirs relevant de ce que Carlo Ginzburg appelle le « paradigme indiciaire » (psychanalyse, enquêtes policières, authentifications en matière d’œuvres d’art, etc.). Elle concerne les sciences philologiques, juridiques, historiques ou sociales, l’exégèse religieuse, et, bien sûr, le vaste champ, lui-même très diversifié et même conflictuel, de l’herméneutique. Elle est centrale pour l’ensemble des arts de performance (le théâtre, la rhétorique entendue comme l’art des discours proférés en public, la danse, la musique, le mime, les arts de jonglerie, etc.). Elle est enfin, elle est d’abord, une catégorie de la théorisation spontanée de l’expérience quotidienne : on interprète une mimique, un silence, une attitude, une phrase, et on interprète l’interprétation que l’autre fait (ou que l’on suppose que l’autre fait) de nos propres mimiques, silences, attitudes et phrases. Cette interprétation spontanée et sauvage précède toute interprétation réfléchie et savante, et plus encore toute théorie de l’interprétation. L’homme est un animal qui interprète, qui ne peut pas s’empêcher d’interpréter, comme Nietzsche l’a bien vu.

Par commodité et souvent par hésitation face au massif touffu de certains textes de Dilthey on réduit souvent la contribution épistémologique de ce dernier à deux acquis, bien fragiles d’ailleurs. Le premier aurait été l’invention malheureuse du terme « Geisteswissenschaft » pour définir un domaine du savoir distinct de la métaphysique et des sciences de la nature, les futures sciences humaines et sociales. Le second aurait été, du point de vue gnoséologique, la distinction tranchée entre comprendre (Verstehen) et expliquer (Erklären) : on expliquerait des phénomènes en découvrant leurs déterminations causales ou en les subsumant sous des lois. Si la physique est la langue des sciences de la nature, la psychologie serait celle des sciences morales ou sciences de l’esprit. On comprendrait l’homme qui est avant tout sujet conscient de soi et qui agit de façon sensée, à partir des fins, des valeurs que l’analyse peut reconstituer. Dans un cas l’objet est étranger au sujet, dans le second cas le sujet étudie un autre sujet et ses œuvres. La tentative de fonder les sciences de l’esprit sur la psychologie aurait abouti au psychologisme, qui, avec l’empirisme, est chargé de tous les péchés face au rationalisme dans l’épistémologie moderne. Et c’est ainsi que Dilthey se survit dans la mémoire philosophique collective : la dualité explication/compréhension, le reproche de psychologisme résument sa contribution.

Quelle est la pertinence philosophique de la question du vivant ? Deux positions extrêmes peuvent ici être tenues.
On peut considérer que la philosophie n’a pas compétence pour parler du vivant : l’étude du vivant relève des sciences biologiques (anatomie, physiologie, botanique, écologie, biologie cellulaire…). Plus simplement, le vivant est l’objet de la biologie . « Le vivant » est un concept moderne, pour désigner « l’être vivant » ou le règne des êtres vivants. Sans doute la philosophie a-t-elle toujours parlé de la vie. Mais précisément le vivant n’est pas la vie. La rupture épistémologique des sciences biologiques a constitué à se donner le vivant pour objet en écartant la réflexion sur la vie jugée désormais trop métaphysique. La vie passe pour l’asile de l’ignorance : du moins elle donne lieu à une philosophie non scientifique : le vitalisme (ou ce qui peut lui être apparenté). Il s’agit de comprendre les mécanismes du vivant sans spéculer sur la vie en soi. La vie doit être étudiée dans le vivant et non le vivant déduit de l’idée de vie…

A propos de l’interprétation, trois questions seront successivement examinées :
1- Pourquoi l’interprétation s’impose-t-elle ?
2- Comment s’effectue-t-elle ?
3- Existe-t-il des critères de vérité qui lui soient spécifiques?
La première question cherchera à déterminer ce qui, dans la réalité ou dans son expérience, nous contraint ou nous condamne à en passer par l’interprétation. La détermination de l’origine de cette nécessité supposée oblige à nous interroger sur les limites du concept et de l’activité d’interprétation. Qui interprète et pourquoi ? Suffit-il qu’il y ait signe (c’est-à-dire renvoi par une chose ou par la trace d’une chose à une autre chose absente) pour qu’il y ait aussi, et du même coup, interprétation ? Si oui, elle n’est pas une activité exclusivement humaine car certains animaux peuvent, par exemple, induire d’une odeur, d’un bruit, d’une trace, l’existence non immédiatement perceptible d’une proie ou d’un prédateur. Est-ce un abus de langage d’affirmer qu’ils interprètent des signes ? Et si l’on admet que le simple renvoi par une entité, quelle qu’elle soit, à une autre entité absente, pourvu que ce renvoi fournisse une information non actuellement existante, suffit à constituer l’interprétation, alors le concept et l’activité tendent à se diluer par une extension au moins corrélative au vivant. Dans les processus épigénétiques, est-il abusif d’affirmer que les gènes interprètent les changements de l’environnement ? Où passe la frontière entre la supposée simple transmission d’informations (sans activité du récepteur, sans déperdition durant le transport, sans danger d’erreur de réaction etc.) et l’interprétation « en bonne et due forme » ou, du moins, repérable en tant qu’activité spécifique ? La définition passerait alors par le tracé de limites et de frontières dont il faudrait, alors, légitimer l’autorité.