Peinture, sens et violence au Siècle des Lumières : Fénelon, du Bos, Rousseau
La quête du sens a longtemps fait partie intégrante du plaisir que procure la peinture. Roger de Piles l’énonce encore en 1708, dans son cours de peinture. Selon lui, la peinture nous “divertit” entre autres “ Par l’histoire, & par la fable dont elle rafraîchit notre mémoire, par les inventions ingénieuses, & par les allégories dont nous nous faisons un plaisir de trouver le sens, ou d’en critiquer l’obscurité; ”. Nul moyen de se dissimuler cependant que cette déclaration prend place dans un développement où s’épanouit l’éloge de “l’imitation vraie et fidèle”, dont la force “appelle” le spectateur en le “surprenant”. Au demeurant, s’il y a plaisir à critiquer l’obscurité des allégories, celui d’en trouver le sens est-il plus qu’un jeu ? Plaisir annexe ? S’annonce ici un avenir douloureux pour l’allégorie, à peu près unanimement condamnée par les théoriciens du siècle des Lumières. Mais s’ébauche aussi une autre voie, celle d’un triomphe de l’imitation simple, dont en somme la nature morte non symbolique (celle d’un Chardin qui évite avec soin, dans ses natures mortes, les éléments prêtant à interprétation) pourrait passer pour l’exemple le plus pur : peinture où il n’y a sens ni à trouver, ni à critiquer. Or cette voie, ni de Piles ni ses successeurs ne la prennent : le succès de telle ou telle oeuvre n’entraîne pas la reconnaissance attendue, pour le peintre et pour son genre. A interroger la pensée de l’image de peinture, mon propos est ici d’apporter quelques éléments de réflexion sur une situation paradoxale, sur la manière dont une certaine image de peinture, en somme, ne parvient pas à se penser de manière satisfaisante, en interrogeant trois textes, ce qu’ils disent et laissent penser.