Publications par Pascal Dupond

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Note sur la question du temps chez Merleau-Ponty

Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty cherche à penser une articulation entre le concept de subjectivité qui se construit au fil des analyses de l’être au monde perceptif et le concept de temps qui s’est élaboré à travers Kant, Husserl et Heidegger. De cette situation résulte une tension initiale : alors que le temps a été le plus souvent compris, et en particulier chez ces trois philosophes, comme une dimension de la subjectivité ou de la vie de l’esprit, la pensée du temps, dans l’ouvrage de 1945 se porte d’emblée, comme l’exige la perception, vers l’écart et la suture du Soi et du monde, du temps naturel et du temps historique. Remontant ainsi jusqu’au cœur du débat entre le temps « cosmique » d’Aristote et le temps de l’âme de St Augustin, Merleau-Ponty cherche à comprendre pourquoi on doit dire ensemble que « le monde […] est le noyau du temps » (PP 383) et que « la subjectivité est le temps lui-même » (PP 278). Le temps n’est pas une chose, une substance fluente comme une rivière, le temps est inséparable du sujet ; et pourtant « on dit qu’il y a un temps comme il y a un jet d’eau » (PP 482) ; si cette image fait sens, si elle met bien sur la voie d’une pensée juste du temps, comme le pense Merleau-Ponty, elle souligne, en faisant du temps une forme dynamique, une poussée continue dans l’être, que le temps est le style du phénomène du monde, la forme constante de son apparaître et se tient donc à la jointure du monde et de la perception.

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Observations sur la conception kantienne du temps

Les conceptions relatives à l’espace et au temps exposées dans la Cri-tique de la raison pure sont le résultat d’une évolution s’échelonnant sur une vingtaine d’années. Kant a pensé qu’à la question: que sont l’espace et le temps ? – quatre réponses et quatre seulement sont possibles: ils sont soit des substances, soit des accidents, soit des relations réelles, soit des relations relevant de la constitution subjective de l’esprit. La solution de la Critique (idéalité transcendantale et réalité empirique de l’espace et du temps) est la quatrième. Kant l’a patiemment mûrie. Dans cette élaboration, une importance particulière revient à la Dissertation de 1770 . S’y affirme en effet pour la première fois en toute clarté le thème de la subjectivité de l’espace et du temps.
Le titre de la thèse est: la forme et les principes du monde sensible et du monde intelligible . D’entrée de jeu, le concept de monde vient au premier plan. Kant le définit comme « un tout qui n’est plus une partie », en contre-point du simple, défini comme la partie qui n’est plus un tout. Kant précise en outre qu’il y a une double genèse possible des objets pensés sous les concepts de monde et de simple…

La question du temps chez Aristote

La question de l’essence du temps a connu un profond remaniement avec la publication de Etre et temps, en 1927. Deux points centraux y apparaissent.
L’un est l’idée que la pensée métaphysique dans son ensemble a oblitéré le temps ou du moins a omis de l’interroger sous l’angle qui est seul capable d’atteindre son essence, c’est-à-dire sous l’angle de son rapport avec l’être. Il en est ainsi parce que la pensée métaphysique, qui est, certes, depuis son origine, orientée vers l’être, s’en enquiert cependant sous un angle qui ne permet pas de développer la question de l’être (et celle également de son rapport au temps) en toute son ampleur et sa radicalité ; elle s’enquiert de l’être à partir de l’étant qu’elle trouve dans le monde, et qui est l’objet de notre préoccupation quotidienne, l’étant intra-mondain. Cet être de l’étant intra-mondain, les Grecs l’ont appelé ousia, littéralement “étantité”. Ousia est un mot qui est très proche, par le sens, du mot parousia, qui signifie présence, par opposition à apousia, qui signifie absence. Le rapprochement ousia-parousia a suggéré à Heidegger l’idée que le mot qui désigne en grec l’être de l’étant implique une référence, une référence implicite, oblitérée, méconnue, au temps ; l’étant, « métaphysiquement compris », est le présent; il est saisi quant à son être comme présence déployée ; il est compris par référence à un mode déterminé du temps: le présent ponctuel; et cette compréhension va pour ainsi dire de soi; elle est soustraite à toute interrogation explicite. On peut donc dire que le temps a dans la pensée métaphysique traditionnelle une fonction ontologique fondamentale, puisque l’être est compris dans un horizon foncièrement temporel; mais la métaphysique comme telle ne s’interroge jamais expressément sur cette fonction dévolue au temps dans la compréhension de l’être : « le temps lui-même est pris pour un étant parmi d’autres étants, et l’on tente de le saisir dans sa structure d’être à partir de l’horizon d’une compréhension de l’être orientée sur lui de façon inexprimée et naïve”. D’où l’interrogation de Heidegger : est-il possible de s’affranchir de la compréhension « métaphysique » de l’être, du temps et de leur lien – est-il possible de penser l’être indépendamment de la compréhension métaphysique (implicite) de l’être comme présence déployée ? le lien de l’être et du temps peut-il devenir vraiment, explicitement, problématique, de telle sorte que la question du « sens de l’être » soit à nouveau ouverte ? Telle est l’interrogation de Heidegger, qui lie solidairement la question de l’être et la question du temps: l’être et le temps sont si étroitement intriqués que l’un ne peut pas être compris sans l’autre.

Le vivant

« L’observation scientifique, écrit le biologiste Ernest Kahane (La Vie n’existe pas, Editions rationalistes, 1962) nous montre des êtres vivants, de la matière vivante, des phénomènes vitaux… » – des êtres vivants : la plante, l’animal ; de la matière vivante : le tissu végétal, un fragment de feuille, à partir duquel on peut recréer, sous certaines conditions, la plante entière ou bien le tissu épithélial ou osseux de l’animal ; les phénomènes vitaux : la photosynthèse, la dégradation des sucres. Cette proposition souligne que le biologiste, à supposer qu’il veuille renoncer, en raison de ce qu’il se représente comme une exigence scientifique, à l’idée de vie, n’en est pas moins contraint, pour désigner l’objet de son étude, à utiliser des termes dérivés des mots « vie » et « vivre », c’est-à-dire le participe présent « vivant » et l’adjectif « vital », le premier de ces termes intervenant lui-même en deux occurrences, comme prédicat du terme « être » ou comme prédicat du terme « matière ». La langue française réserve le terme « être » (au sens où l’on parle d’êtres vivants, mais aussi d’être humains ou d’êtres pensants), par contraste avec les « choses », aux formes de réalité ou d’existence présentant non seulement une unité complexe mais une sorte d’individualité, de conatus, de référence à soi, d’autonomie. Un « être » est, à un degré ou à un autre, « auto-normé ». Nous constatons donc que, même si « la vie n’existe pas », le biologiste (et avec lui le philosophe, qui réfléchit sur la connaissance du vivant) n’en doit pas moins supposer que le terme « vivant » (avec les deux substantifs dont il peut être attribut) et le terme « vital », malgré les différences de sens et d’emploi, ont un référent commun justifiant leur appartenance à une même sphère de phénomènes. Et cette référence commune conduit à se demander comment articuler les termes « être vivant », « matière vivante », « phénomènes vitaux ».

Programme agrégation de philosophie 2012

Programme AGRÉGATION EXTERNE 2012 — Philosophie Écrit agreg externe 2012 – 2ème épreuve. Composition de philosophie se rapportant à une notion ou à un couple ou groupe de notions : L’animal. – 3ème épreuve. Épreuve d’histoire de la philosophie. Plotin Rousseau : Discours sur les sciences et les arts | Discours sur l’origine et les […]

Programme agrégation de philosophie 2011

Programme AGRÉGATION INTERNE 2011 — Philosophie – Première épreuve. Composition de philosophie (explication de texte) : L’esprit. – Deuxième épreuve. Composition de philosophie (dissertation) : La technique. Programme AGRÉGATION EXTERNE 2011 — Philosophie Ecrit : – 2ème épreuve. Composition de philosophie se rapportant à une notion ou à un couple ou groupe de notions : […]

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Le doute de Cézanne. Réflexions sur le paradoxe de l’œuvre de culture

Cézanne a souvent exprimé les difficultés, les tourments accompa-gnant son travail de peintre, comme le rappellent les premières lignes du texte.
En outre son œuvre a commencé par surprendre, choquer, susciter des critiques très négatives. Cette réception négative, ces difficultés ont conduit Cézanne, ses amis, ses contemporains à s’interroger sur le sens de son effort et la valeur du résultat.

Deux manières se sont présentées de rendre compte de l’originalité de cette œuvre et de ce qui a pu, à une certaine époque, passer pour son « échec ». L’originalité, l’échec seraient dus :
– soit aux aléas de la vie, une maladie, une constitution schizoïde – hypothèse qui est, selon Merleau-Ponty, vaine plutôt que fausse car si elle fait connaître quelque chose de l’œuvre (ce que Merleau-Ponty n’exclut pas), elle n’en fait pas connaître « le sens positif »
– soit au « paradoxe » du projet pictural : « rechercher la réalité sans quitter la sensation » ou, selon E. Bernard (qui fait de ce paradoxe une contradiction destructrice), viser la réalité en s’interdisant les moyens de l’atteindre.

Merleau-Ponty va travailler, critiquer ces deux manières de comprendre la peinture de Cézanne, dans l’ordre inverse où il les a présentées : il s’explique d’abord avec l’affirmation selon laquelle il y aurait une contradic-tion dans le projet pictural puis il traite du rapport entre l’œuvre et la vie. Cette seconde partie commence par : « Ainsi les “hérédités”, les “influences”, – les accidents de Cézanne – sont le texte que la nature et l’histoire lui ont donné pour sa part à déchiffrer… ».

Je ne commenterai pas cette seconde partie où il est moins question de Cézanne que de Léonard de Vinci (et de lecture freudienne de l’œuvre d’art), je travaillerai surtout autour du « paradoxe » de l’œuvre de Cézanne, tout en revenant, à la fin, sur le rapport entre les difficultés de l’œuvre et les nœuds de la vie.

Programme agrégation de philosophie 2010

Programme des agrégations interne et externe 2010 Agrégation interne philosophie 2010 Première épreuve : – Composition de philosophie (explication de texte) : La vérité Deuxième épreuve: – Composition de philosophie (dissertation) : L’art Source: BO spécial n° 6 du 25 juin 2009, Concours interne de l’agrégation du second degré – session 2010 (page 33) Agrégation […]

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La différence éthique dans la pensée de Spinoza

Dans les Recherches sur la liberté humaine Schelling montre que la question du mal est, par excellence, l’aporie de tous les systèmes philosophiques, la question où apparaît le plus nettement l’insuffisance de leurs concepts fondamentaux. Et il souligne que c’est dans le panthéisme, régi par le concept de l’immanence, que l’aporie devient la plus rude. Elle consiste dans l’alternative suivante : ou bien le concept d’un mal effectivement réel est admis, mais l’immanence exige alors de le poser dans la substance infinie ou la volonté originaire, qui ne correspondent plus, dès lors, à l’idée d’un « être le plus parfait de tous ». C’est la destruction de l’idée de Dieu. Ou bien la réalité du mal est refusée, mais avec elle s’évanouit le concept réel de la liberté.

Spinoza, pense Schelling, a nié la réalité du mal. Cette lecture n’est pas sans fondement et peut être illustrée par la lettre XIX de Spinoza à Blyenbergh . Le correspondant de Spinoza formule l’aporie classique : ou bien le mal et le péché n’existent pas, Dieu par qui tout existe ne pouvant en être l’auteur ; ou bien le mal et le péché existent, et Dieu en est l’auteur. Il est nécessaire que l’une de ces deux propositions soit vraie, et pourtant elles sont également impossibles, l’une abolissant toute différence éthique, l’autre rendant Dieu responsable du mal. Spinoza, lui, écarte l’aporie, en montrant qu’elle est née d’une compréhension erronée du mal, celle qui consiste à considérer le mal comme quelque chose de positif.

Pour Spinoza, le mal n’existe pas en qualité de « quelque chose » ; il existe seulement comme privation. Ainsi le mal qui est dans la volonté d’Adam « n’est pas autre chose que la privation d’un état qu’à cause d’elle Adam a dû perdre ». Et cette privation n’appartient pas, en tant que prédicat négatif, à la teneur réelle de l’être auquel nous l’attribuons, ne relève pas de sa constitution intrinsèque ; elle lui est attribuée par un entendement humain qui substitue à la plénitude de la réalité ce que Bergson appellera le vide de son attente ou de son insatisfaction, un entendement qui connaît de l’étant, non ce qu’il est, mais ce qu’il était et n’est plus ou pourrait être. L’imputation d’une privation est donc le résultat d’une comparaison plus ou moins arbitraire d’un étant singulier avec la fiction de ce qu’il serait, s’il était resté identique à lui-même, ou bien s’il possédait toute la perfection du genre dont il relève. Dieu ne forme aucune fiction ; donc Dieu ne peut avoir l’idée d’une privation et du mal. En Dieu ou selon la vérité, le mal n’est rien.

Et cependant, là est le paradoxe de cette lettre XIX, la négation de la réalité du mal n’entraîne nullement l’extinction de toute différence éthique. Une pensée de la différence éthique est impliquée dans le passage de la servitude à la liberté. Le projet de cette étude est d’examiner cette situation, en soulignant trois points :

1/ Le mal, chez Spinoza, n’a de racine ni dans l’essence ni dans l’existence du mode fini ; il a lieu à la jointure de l’essence et de l’existence ; il est un certain mode d’articulation de l’essence et de l’existence : l’oubli de l’intériorité de l’essence dans l’extériorité de l’existence.

2/ Cet oubli, qui est l’existence malheureuse, la servitude, et son contraire, le salut, la liberté ont pour condition commune le double lien, l’identité et la différence de l’âme et du corps.

3/ Le seuil du salut est la compréhension de l’essence de l’être comme puissance d’agir.