La philosophie politique de Spinoza

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Le problème politique occupe une place centrale dans la philosophie de Spinoza. Il y a consacré deux livres, le Traité théologico-politique et le Traité politique, dont le premier est d’ailleurs le plus volumineux parmi les livres de Spinoza.

Cest à juste titre qu’on affirme que Spinoza est le philosophe de l’éternité. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il s’est désintéressé de la vie de la cilé, et de l’histoire qui en ponctue les événements. Il est, au contraire, personnellement aux prises avec les grands problèmes de politique intérieure et extérieure qui se posent de son temps aux Pays-Bas, pays en pleine fermentation politique, économique et intellectuelle. En outre, en partant de tous ces problèmes concrètement posés dans son pays, il aborde le problème du fondement de l’Etat et de sa place dans la nature, s’ingénie à étudier d’une façon détaillée le fonctionnement des différents régimes politiques afin de déterminer comment chacun d’eux doit être aménagé pour qu’il ne dégénère pas en tyrannie et pour que la paix et la liberté des citoyens y restent intactes.

Comment expliquer cet intérêt de Spinoza pour le problème politique ? La première raison qu’on peut en donner, c’est que, pour Spinoza, la philosophie elle-même, bien qu’elle soit conversion de l’intelligence, en ce sens qu’elle nous permet de jeter un nouveau regard sur le monde, reste cependant aussi présence au monde. Le philosophe est philosophe parce qu’il sait que la vocation de l’homme consiste non seulement à vivre, mais encore à bien vivre grâce à un accroissement graduel de l’autonomie de son entendement. Mais, justement pour cette raison, il sait aussi que pour « bien vivre », c’est-à-dire pour être philosophe, on doit d’abord vivre en satisfaisant les besoins fondamentaux : besoin économique, qui. requiert de la part des hommes une assistance mutuelle, condition de la division du travail ; besoin de sécurité, besoin de se protéger contre des agressions éventuelles d’autrui ; besoin de se sentir épaulé par autrui dans les diverses épreuves de l’existence, conséquence de la sociabilité naturelle de l’homme, fondée sur la contagion des sentiments et l’imitation des mouvements ; besoin de gloire, chacun de nous trouvant sa joie dans les opinions favorables que les autres se font de nous ; besoin de comprendre, besoin à la fois individuel et social, individuel, en ce qu’il exclut la connaissance par ouï-dire, et social, d’abord en ce que « comprendre » c’est en même temps chercher à expliquer à autrui, et, ensuite, en ce que cet effort pour comprendre ne peut se déployer que dans la mesure où nous profitons d’une vie de loisir. Or la satisfaction de tous ces besoins n’est possible que dans la vie d’une société politique, c’est-à-dire d’une société administrativement et juridiquement organisée. L’existence de l’Etat fait partie de la destinée humaine. Réfléchir sur la condition humaine, c’est aussi réfléchir sur la nature et la finalité de l’Etat.