Cicéron. Le cylindre de Chrysippe (leçon 5)

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Du De fato, ou Traité du destin, n’a survécu qu’une partie, qui fait vingt paragraphes. Il est présenté comme un exposé sensiblement didactique du maître Marcus Cicéron pour son disciple Hirtius. Il s’y joue une confrontation des trois courants majeurs de la pensée du temps, représentée par trois maîtres : Epicure, Chrysippe et Carnéade. La question est : s’il y a destin, alors toute liberté humaine est-elle impossible ? Pour répondre de sa possibilité, Epicure avancerait la déclinaison des atomes, tandis que Chrysippe proposerait, avec l’exemple du cylindre, une théorie de l’assentiment ; ces deux leviers d’une liberté délicate à établir, mais possible tout de même, sont contestés par Carnéade, qui représente l’école académique, avec son scepticisme propre.

I. Le destin et les causes

1. Fatum

Les ouvrages grecs intitulés « péri tés eimarménés » sont traduits en latin par « de fato ». L’équivalence des termes est acceptée par Cicéron. Dans le mot « fatum » est présent un radical qui signifie « dire ». Le destin est ce qui est « dit par la parole », littéralement pré-dit : par les oracles en particulier. Les « fata », les prédictions sont dans la culture romaine représentées concrètement par les horoscopes. Que signifiait le grec « eimarméné » ? la racine du mot , notifiée par « méros » et « moira » indique la part, le lot qui échoit à chacun. Les grecs depuis Homère se représentaient la prédestination comme inflexible ; la scène de choix d’un « lot », ou d’une vie donnée, dans le mythe d’Er qui clôt la République de Platon, se glisse dans cette représentation : là, par exemple, un chanteur choisit son lot : quand il va renaître, il sera un rossignol. Mais une fausse étymologie circulait, qui rattachait « eimarméné » à « eirmos » qui veut dire « enchaînement, série. » Quintus Cicéron sait cela, lui qui soutient l’existence de la divination : quand un événement prédit arrive, et que cela ne semble pas le fait du hasard, mais vraiment conformément à ce qui avait été dit d’avance, ce succès atteste que dieu, le destin, la nature l’avaient « voulu » ; et cela justifie la divination.

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