Leibniz et le principe de raison. Enjeux théoriques et pratiques
Peu de doctrines philosophiques ont donné lieu à autant de discussions que celle du principe de raison suffisante chez Leibniz. Ce principe – qui est, selon le philosophe de Hanovre, d’une importance équivalente au principe de contradiction déjà mis en lumière par Aristote – affirme que rien dans notre monde ne peut se produire s’il ne se trouve une raison suffisante permettant de l’expliquer. Ce principe est, aux yeux de Leibniz, indissociablement logique et épistémologique. Il affirme que tout ce que nous pouvons dire de vrai à propos de notre monde doit, au moins en droit, pouvoir être justifié par une raison, et que toutes nos connaissances reposent donc sur la possibilité de telles justifications. En d’autres termes, il énonce l’idée selon laquelle rien ne permet de prouver que notre monde est a priori mystérieux, nous invitant ainsi à chercher à le connaître de la manière la plus précise et la plus rigoureuse possible.
Cet optimisme épistémique a longtemps été associé à une sorte de cartésianisme triomphant et dominateur, tributaire d’une vision du monde dans laquelle l’homme pouvait encore nourrir l’illusion de devenir un jour maître et possesseur de la nature, grâce à l’application systématique de ses connaissances. Quelles que soient ses interprétations, le principe de raison suffisante devrait ainsi être compris comme une tentative, évidemment vouée à l’échec, d’ajuster la diversité, la complexité et les contradictions du monde à cet outil ô combien limité, imparfait et inapproprié que serait la raison humaine.
Les trois textes qui suivent tendent tous à montrer, à partir de questionnements spécifiques, qu’une lecture de ce genre repose sur des présupposés profondément dogmatiques, et ce, même si elle est devenue, au fil du temps, tellement évidente aux yeux de la plupart des commentateurs qu’elle constitue une sorte de présupposé partagé aussi bien par les détracteurs de Leibniz que par ceux qui reconnaissent son héritage rationaliste. [Jean-Matthias Fleury]
Jacques Bouveresse : « Quelques remarques sur les relations entre le “principe de contradiction”, le “principe de raison” et le “principe du meilleur” chez Leibniz »
https://books.openedition.org/cdf/3681
Jean-Marie Chevalier : « Faits bruts et principe de raison insuffisante »
https://books.openedition.org/cdf/3674
Jean Matthias Fleury : « Cesar aurait-il pu ne pas franchir le Rubicon ? »