Note sur le Jugement de Salomon
Deux prostituées qui vivent ensemble ont chacune mis au monde un enfant, presque simultanément, et sans témoins. L’une d’elles, la nuit, se couche sur son enfant et l’étouffe; quand elle s’en aperçoit, au cours de la nuit, elle profite du sommeil de sa compagne, elle lui prend son enfant —le vivant— et met à la place le sien —le mort. Au matin, la victime de la substitution se réveille; elle voit près d’elle un enfant mort, mais qui n’est pas le sien, qui est celui de l’autre; elle proteste, elle crie à l’injustice; en vain: l’autre, la coupable, retourne à sa victime son propre discours: c’est ton enfant qui est le mort, et le mien qui est vivant. Chacune sait bien ce qu’il en est; l’innocente sait bien qu’elle est innocente, la coupable sait bien qu’elle est coupable; mais la coupable sait que l’innocente n’a aucune preuve pour prouver son innocence. L’innocente et la coupable ont exactement le même discours; justice et injustice ont une seule et même voix.
N.B. Le lecteur trouvera le récit du Jugement de Salomon dans l’article de André Wénin « Le roi, la femme et la sagesse, une lecture de 1 Rois, 3, 16-28 »