La mémoire collective comme métaphore
« On n’est pas encore habitué à parler de la mémoire d’un groupe, même par métaphore ». Faut-il inverser le constat de Maurice Halbwachs pour souligner qu’on est aujourd’hui tellement habitué à penser la mémoire des groupes que celle-ci n’est guère plus qu’une métaphore ? Ce constat permet de souligner d’emblée que la notion de mémoire collective, si abondamment usitée aujourd’hui, a une histoire. Mais il convient surtout de rappeler que la question de la mémoire collective comme métaphore s’est posée dès les premières réflexions de Maurice Halbwachs sur les formes socialisées de la mémoire, soit la thèse fondatrice de la sociologie de la mémoire selon laquelle les souvenirs n’existeraient pas hors de l’influence des « cadres sociaux de la mémoire». Si Halbwachs argumente alors pour convaincre que « la mémoire collective n’est pas une métaphore », la réflexion critique de Marc Bloch sur l’anthropomorphisme des premières formulations de Halbwachs repose la question à nouveaux frais : peut-on légitimement appliquer au collectif, en l’occurrence à la société ou à un groupe social, les attributs de l’individu qui pense et qui se souvient ?