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L’image naturelle

J’entends dire que l’image est partout. Elle nous inonde, elle nous submerge. Sous le déluge des images, nous serions les naufragés de la pensée. Idolâtres et acéphales, voilà, me dit-on, ce que, par sa faute, nous sommes devenus.
Je réponds haut et clair : l’image n’est nulle part ; l’image n’est coupable de rien.
Qu’est-ce à dire ? D’abord, je pense que ce qui nous menace aujourd’hui, corps et âme, ce n’est pas l’image, mais sa disparition, son expulsion même. Ensuite, je prétends qu’une méditation véritable sur l’image conduit à ne la confondre avec aucune configuration du visible. Autrement dit, lorsqu’une image est devant nos yeux, elle ne s’impose pas pour autant au regard. Le visible la dissimule, mieux encore, l’image a élu le visible pour se dissimuler. Qu’on la conjure ou qu’on la convoque, l’image impose toujours une certaine économie de l’absence.
Cet article est repris d’une publication aux éditions Corti, dans la collection
Le nouveau commerce, 1995. Il est reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur

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