« L’inconscient est structuré comme un langage ». Eléments pour une réception phénoménologique de la conception lacanienne du primat du signifiant
Si bien des colloques sont inutiles, il en est d’autres auxquels, cinquante ans après, on regrette encore de n’avoir pas assisté. Le 6e colloque de Bonneval se tint du 30 octobre au 2 novembre 1960. L’inconscient freudien en était le thème. L’assistance se composait de psychiatres (Henri Ey, Georges Lantéri-Laura, Eugène Minkowski) ; de psychanalystes (Jean Laplanche, Serge Leclaire, Jean-Bertrand Pontalis pour la SFP et André Green, Conrad Stein pour la SPP) ; de philosophes (Alphonse De Waelhens, Jean Hyppolite, Henri Lefebvre, Maurice Merleau-Ponty, Paul Ricœur). Mais une personnalité domina incontestablement les débats : celle de Jacques Lacan dont la conception linguistique de l’inconscient fut au centre des débats. Dans la biographie qu’elle lui a consacrée, Elisabeth Roudinesco évoque brièvement l’événement et rappelle qu’aux « partisans de la structure » s’opposèrent alors « les tenants d’un freudisme phénoménologique ». Ainsi, tandis que Serge Leclaire s’attachait à établir la pertinence de la thèse lacanienne à partir du cas clinique de « l’homme à la licorne », Jean Laplanche distinguait entre les « représentations de chose » qui ressortissent à l’inconscient et les « représentations de mot » qui relèvent du système préconscient-conscient, et soutenait que l’inconscient est la condition du langage. Pour Roudinesco, Lacan remporta à cette occasion « une belle victoire ». L’affirmation est sans doute discutable. En tout cas, cette victoire, si victoire il y eut, ne fut pas du goût de l’organisateur du colloque, Henri Ey, qui jugea sévèrement la conduite de Lacan — dont la participation aurait contribué à « faire de ce symposium un cirque » — mais qui n’en publia pas moins les actes quelque six ans plus tard.