La conclusion de la Critique de la raison pure
Il est bien connu que le problème fondamental de la Critique de la raison pure est celui de la possibilité de la métaphysique comme science. C’est le problème que pose la question directrice de l’ouvrage : comment des jugements synthétiques a priori sont-ils possibles? Ce qui est beaucoup moins connu et infiniment moins évident, c’est la réponse que Kant a donnée à ce problème capital, dont il a par ailleurs si bien marqué l’urgence. Or comment la métaphysique est-elle possible selon Kant? Où Kant répond-il de manière claire et distincte à la question du bien-fondé des jugements synthétiques a priori en métaphysique?
L’incertitude qui plane sur cette réponse n’est pas peu responsable de la diversité des interprétations qu’on a pu offrir de la solution kantienne au dilemme de la métaphysique. Pour les uns, Kant est souvent apparu comme celui qui aurait tout simplement voulu liquider la métaphysique en lui lançant le défi de rendre compte de la légitimité de ses propres jugements, lecture iconoclaste qui s’est maintenue depuis le mot de Mendelssohn sur l’alles zermalmenden Kant jusqu’à l’interprétation récente d’Arsenij Gulyga. Pour d’autres, la métaphysique serait devenue chez Kant une théorie des sciences exactes, des principes qui sont à la base du savoir scientifique ou, plus généralement, de notre perception du réel. On pourrait parler ici d’une « métaphysique de l’expérience », selon l’expression quasi paradoxale de H.J. Paton. D’autres, prenant à la lettre le texte célèbre où Kant dit avoir dû supprimer le savoir pour faire place à la foi, voient dans la philosophie morale, que l’échec de la métaphysique théorique propulserait au rang de prima philosophia, l’issue véritable de la métaphysique kantienne. D’autres, enfin, les partisans de ce que l’on a appelé la lecture métaphysique de Kant, ont cru que l’auteur de la Critique avait voulu sauver et conserver l’essentiel de la métaphysique classique, aristotélico-leibnizienne, celle qui aspire à un savoir qui dépasse le cadre restreint de l’expérience.
http://mapageweb.umontreal.ca/grondinj/pdf/Grondin_Kant_Conclusion_CRP.pdf